Un des problèmes que va rencontrer Birdman est qu’il est extrêmement facile de l’aimer, et encore plus facile de le détester.

On peut ne pas l’aimer pour en être passé complètement à côté.
On peut y entrer chargé de ses positions Inárritesques: créateur adulé dont on attend une somme, faiseur poseur dont on redoute le nouveau méfait.
On peut enfin, et c’est la catégorie dans laquelle je pouvais entrer de plain-pied, redouter le piège.
Derrière l’évidence de la virtuosité de la réalisation, l’éclat du jeu des acteurs, et le plaisir de la fluidité du récit, l’angoisse qui pointe: ne suis-je pas en train de me faire berner ? Ne va-ton pas me reprocher l’aveuglement du spectateur éblouis par les chromes rutilants, lustrés par le réalisateur mexicain ? L’aspect immédiatement jouissif du moment signifie-t-il quelque chose ?
En bref, l’œuvre doit répondre à une question que ne posent pas forcément tant d’autres: quel en est le fond ? Et si la réponse ne semble pas à la hauteur des multiples tours de force que déploie le métrage, il semble plus sûr de se caler en retrait dans son fauteuil de critique et recenser les milles-et-une bonnes raisons de chipoter.

Pourtant, impossible pour moi de ne pas goûter aux nombreuses saveurs du moment. Et de faire le travail à l’envers.
Les deux heures de faux plans-séquence n’apporte-ils pas une forme d’urgence qui tendent certaines scènes et braquent notre attention sur la performances des acteurs, pratiquement toutes épatantes (oui, même la petite endive aux yeux de suricate mort, Emma Stone, ne dénote pas trop). L’écho avec le théâtre est-il si factice?
Les dialogues incisifs et drôles, les moments étonnants (Michael Keaton qui traverse Broadway en slip, il se passe quelque chose, quand même), le mélange d’effets spéciaux et de scènes de pur jeu ne rendent-ils pas l’expérience du spectateur suffisamment différente pour lui permettre d’apprécier à sa juste valeur le moment ?

Plutôt que de soulever la fausse profondeur du projet (position qui se tient tout à fait), j’ai préféré alimenter ma chaudière à plaisir avec des bûches de petit bois sec luminescents: le rôle des critiques, la différence entre pratique commerciale et démarche artistique, la place des égos et la vanité du vouloir plaire, l’amour, la mort, la folie et le surnaturel ne viennent pas plomber le récit mais, pour ne rien en dire de désagréable, au contraire ajouter à la félicité globale et renforcer le sentiment délicieusement différent de la séance.

Comme souvent dans un film ambitieux dont la richesse thématique et visuelle frise l’indigestion, on a tendance à poser sur les deux plateaux de la balance les qualités et les défauts du film. Le résultat de ma pesée possède un avantage évident: deux heures de rare plaisir dont l’étonnement fut un des jubilatoires piliers.

Etre étonné au cinéma. Plaisir devenu si rare en 2015.

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le 8 févr. 2015

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guyness

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