Après avoir repris le blaster et la veste de Han Solo dans le Réveil de la Force, Harrison Ford reprend l'un des rôles les plus iconiques de sa carrière : Rick Deckard. 30 ans après la sortie de Blade Runner, Denis Villeneuve dépoussière le film de science-fiction de Ridley Scott, et propose, tout comme J.J. Abrams avec Star Wars, une suite inédite. Que les sceptiques de la nouvelle trilogie du space opéra de George Lucas se rassurent : Blade Runner 2049 n'est pas un copier-coller du film de 1982 (même si cette affirmation quant à l'Episode VII vis à vis de l'Episode IV doit être relativisée). Cette suite apporte, en effet, de nombreux éléments qui permettent de redécouvrir Blade Runner sous un nouvel angle.


Dans cette suite, on suit l'agent K, un blade runner chargé de retirer les anciens modèles de réplicants, qui va être embarqué dans une enquête vieille de trente ans. D'emblée, on sait que le protagoniste principal est lui même un réplicant. De ce fait, la dynamique du film est très différente de celle de Blade Runner, où toute la question était de savoir si Deckard était ou non un androïde. L'ambiance musicale, elle aussi, est différente : la bande son accorde plus d'importance aux percussions, et mise moins sur les synthés.


En revanche, sur le plan visuel, Blade Runner 2049 respecte l'univers du premier film tout en plaçant la barre un cran au dessus, avec une photographie et des jeux d'ombres et lumières sublimes ainsi que des plans très travaillés. On notera également les jeux au niveau des reflets de l'eau durant les scènes avec Wallace ainsi que celle avec les membres de la résistance répliquante : ce détail ne renvoie peut être à rien de particulier mais il m'a frappé lors de mon second visionnage. De plus, on a droit à un certain nombre de clins d’œil et de références à Blade Runner : avec des extraits sonores au plan d'intro très similaire à celui du premier film, en passant par les "zooms" et "stop" guidant les études des radiographies et des images, on frôlerait presque le fan service. On a même droit à une apparition furtive de la licorne en origami, qui a été troquée par un petit cheval en bois, le temps d'un plan où l'ombre du jouet semble être celle d'un cheval doté d'une corne. On peut aussi mentionner la scène d'introduction qui reprend celle qui était censée ouvrir le premier Blade Runner.


Le film de Denis Villeneuve apporte aussi pas mal de choses sur la table. Pour reprendre le fil du film de Ridley Scott, le réalisateur de Premier Contact fait un choix osé quant au fil directeur mais, après réflexion, sensé, et enrichit l'univers en introduisant, entre autres, le créateur de souvenirs, interprété par la charmante Carla Juri.


Pour revenir sur la trame principale du film celle-ci m'a beaucoup fait penser à Children of Men puisque K, au cours de son enquête, découvre qu'un répliquant, qui n'est autre que Rachel, le fameux prototype que Tyrell gardait précieusement à portée de main, a donné naissance à un enfant. Ce dernier représente tantôt une erreur qu'il faut supprimer, pour les hommes (sauf excepté pour Wallace, le nouveau Tyrell), tantôt un symbole d'espoir, pour les réplicants. Tout comme dans le film d'Alfonso Cuarón, tout un enjeux idéologique repose donc sur les épaules d'un nourrisson. Le choix fait par Villeneuve m'a dans un premier temps surpris, dans le bon sens du terme, puis, alors que le film n'était pas encore fini, m'a amené à me demander s'il ne risquait pas de froisser les fans de Blade Runner. Finalement, il s'avère assez pertinent puisque la devise de Tyrell n'était-elle pas "more human than human" ?


Blade Runner 2049, c'est aussi un casting impliqué, emmené par un Ryan Gosling solide et un Harrison Ford qui m'a déjà plus convaincu qu'en 1982. Les deux têtes d'affiches sont accompagnées par un Jared Leto énigmatique qui en fait peut être un peu trop et une froide Sylvia Hoeks. Les seconds rôles ne sont pas en reste car même si les personnages de Robin Wright, de David Bautista, de Carla Juri ou encore de Lennie James ne sont pas beaucoup présents à l'écran j'ai réussi à m'y attacher. Mackenzie Davis, qui me fait penser de manière assez troublante à Daryl Hannah, s'intègre parfaitement dans l'univers et a droit à une scène assez psychédélique avec Ana de Armas. Cette dernière m'a dans l'ensemble convaincu, bien que je trouve que l'attention portée sur son personnage soit un peu trop grande.


Cela étant dit, Joi dérobotise le personnage de Ryan Gosling, le rend plus humain, et en cela, donne une dimension supplémentaire au film. C'est à travers elle que le thème de l'intelligence artificielle est intelligemment exploité car il y a un net décalage entre les deux membres du couple : s'ils ont tous deux été créés de toutes pièces, il s'agit de deux modèles différents. Lorsque K se retrouve face à elle, on oublierait presque qu'il s'agit d'un répliquant. Cela est souligné par la scène dans laquelle Joi, qui nous est présentée comme étant prisonnière de l'appartement de son propriétaire, avec pour chaîne le projecteur installé au plafond qui peut se déplacer dans un périmètre limité, se retrouve pour la première fois sous la pluie puisque que, pour K, cela relève de son quotidien. Cette scène marque également l'importance d'avoir un corps et le sens du toucher (autant dire que le rapprochement avec Her, dans lequel cette question occupe une place importante, s'est fait naturellement). Bien que son enveloppe charnelle demeure une entité peu tangible, les gouttes d'eau se posent sur sa peau et Joi devient moins artificielle, plus humaine, à son tour. Mais les bugs, le caractère transparent de son corps ou encore la scène où K se retrouve devant une publicité géante, nous rappelle que Joi est avant tout un produit, tout comme Samantha dans le film de Spike Jonze, ce qui accentue le décalage mentionné plus haut. La question de la propriété occupe nécessairement une place importante dans la relation unissant le consommateur avec le produit mais le fait que ce dernier soit capable de penser par lui-même et d'avoir des sentiments implique le risque, pour le consommateur, de ne pas pouvoir se l'approprier et de le perdre ("I'm yours and I'm not yours" disait l'OS à Théodore). En l’occurrence, K perd Joi lorsque Luc détruit le dispositif auquel elle est liée, ce qui illustre la fragilité de sa condition de produit. Pour finir, une autre dimension peut être conférée au personnage durant la scène où K consulte les archives : Joi apparaît ici comme étant la conscience de ce dernier, celle qui vient lui chuchoter à l'oreille, qui pose les questions qui font mal et qui le rassure.


En somme, Blade Runner 2049 est une suite réussie car elle respecte son aîné, le complète, le sublime et nous permet de le voir sous un jour nouveau, tout en étant plus accessible, à condition d'avoir au préalable vu ou revu le film de Ridley Scott pour ne pas en perdre une miette ! 8/10 !

vic-cobb

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