Denis Villeneuve est un metteur en scène qu'on apprécie. Sicario, Enemy, Premier Contact... la plupart de ses œuvres sont puissantes, et on sait le bonhomme capable de mettre une beauté plastique irréprochable sur une tension ou un fond dramatique efficace. Le Blade Runner de Ridley Scott est aujourd'hui un objet culte, qui a gagné en ambiguïté avec sa version director's cut, où son héros l'agent Deckard (Harrison Ford) n'était peut-être pas celui qu'il semblait être...


Enigmatique, ambitieuse, magnifique : la suite de Blade Runner dans les mains de Villeneuve avait alors cette allure-là dans notre esprit, et on était parti pour capter quasiment que dalle à l'affaire, tout en s'extasiant devant des merveilles et des élucubrations insondables. L'espoir était trop grand : ce ne sera pas le cas... Du moins pas totalement.


Car il est impossible d'enlever à Blade Runner 2049 ses qualités tout bonnement indéniables. A commencer par la photographie, absolument somptueuse. C'est une claque de tous les instants, sans aucune anicroche. La pluie, la neige, les CGI, les plans larges sur cette Californie méconnaissable, les gros plans sublimant le casting : c'est un voyage visuel sidérant, propre, palpable.


Blade Runner 2049 est également une suite intelligente, judicieuse même, dans le sens où elle n'est pas une redite de l'original (coucou Star Wars VII) tout en éparpillant du petit fan-service ça et là. Le film développe ses propres thèmes, certes en résonance avec l'oeuvre de Scott, mais sans jamais la plagier ni la salir (coucou Alien : Covenant). L'agent K, imposant et parfait Ryan Golsling, mène sa quête personnelle et mystérieuse, et surtout bien différente de celle de Deckard - qui par ailleurs arrive très tardivement dans le récit, permettant un détachement d'autant plus pertinent.


On ajoutera à ça un casting juste parfait, à quelques exceptions près. Si Jared Leto en fait un peu trop (sans pour autant être mauvais) et qu'on a vu Harrison Ford interpréter ni plus ni moins qu'Harrison Ford (pas une fois on y a vu l'anti-héros Rick Deckard), Ana de Armas est un enchantement pour le film, la troublante Sylvia Hoeks apporte à elle seule la brutalité qui manque - saupoudré d'une beauté évidente -, et la charismatique Robin Wright fait encore des ravages.


Seulement, au bout d'un moment, aussi sublime et adroit soit-il pour éviter la comparaison avec son aîné, Blade Runner 2049 est par moment passablement ennuyeux. Sa durée excessive et son rythme lancinant - qui n'a rien d'une contrainte si bien utilisé - usent le spectateur. Le film utilise une intrigue très simpliste en soi (dont on prend soin de ne rien révéler), mais sa narration soporifique s'entremêle avec un manque évident de profondes réflexions. Les seconds rôles sont inutilement nombreux, ajoutant une couche d'éléments superflus (jusqu'à créer des sous-intrigues souvent inachevées), et délaissent peu à peu l'émotion sincère qu'on éprouvait pour certains protagonistes (Ana de Armas, Sylvia Hoeks ou même Jared Leto méritaient une meilleure "finition", dirons-nous).


D'autre part, si le mutisme de Ryan Gosling lui va à ravir et que voir de longues scènes de dialogues sur des visages quasi-inexpressifs intriguent, au bout d'une moment on a quand même parfois envie de prendre toutes ces personnages et de les secouer un peu (beaucoup), qu'ils se mettent à agir plus promptement aux événements. L'enjeu principal est d'une importance capitale, mais il est totalement dilué dans un tempo fastidieux.


Une terrible déception car le travail de Villeneuve est habituellement doté de moments renversants dans un rythme toujours aussi traînant. Des bandits cachés dans leurs voitures à la frontière mexicaine dans Sicario, une révélation renversante dans Premier Contact, un interrogatoire sanglant dans Prisonners... ces scènes subjuguent, excitent, intensifient son cinéma, et là, pour Blade Runner 2049, où il avait matière à créer des instants palpitants, on n'en retient réellement que deux (une scène fascinante de séduction holographique, et un passage de l'affrontement final). Sur deux heures et demi de film, autant dire que c'est peu.


Pour finir, concernant la bande-originale, elle n'est aucunement enivrante comme l'était celle de Vangelis en 1982. Ce dernier faisait remonter des connotations asiatiques et des mélodies douce-heureuse, donnant une empreinte émouvante au film, alors que Benjamin Wallfisch et Hans Zimmer emploient leurs synthétiseurs à des sons criards et bourrins plus qu'à une soundtrack mélodieuse.


POUR LES FLEMMARDS : Blade Runner 2049, une suite réellement judicieuse qui ne copie jamais son aîné, éblouit par sa beauté plastique irréprochable, mais déçoit fortement pour sa narration paresseuse, bancale, et trop étiré en longueur.


-- Critique également disponible sur Le Ciné des Flemmards --

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le 4 oct. 2017

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