Des ados dans un lycée paumé des Etats-unis, le groupe des bourges branchés d'une part, ceux qui trempent dans le deal de drogue d'un autre, les marginaux, limite sociopathes (Un N-ième teen-movie american pie isé?)... et... rien d'autre. Voilà le constat que le réalisateur fait dans une étude au microscope dans un polar rajeunit à la mode contemporaine, Brick...
C'est en effet à se demander si il y a de la vie ailleurs quand on finit de voir ce film. Rian Johnson prend le parti audacieux de limiter le nombre des protagonistes afin d'en accentuer l'autopsie, mesurer leurs moindres failles, et ça se compte en mètres. L'intrigue repose alors sur une dizaine de personnes maximum là où le genre cherche à afficher habituellement une galerie hétéroclite de gueules de ciné. L'histoire semble se passer dans notre monde, mais hors de vue de la vie normale, dans un parallèle proche et inaccessible. Les plages sont désertes, les stades vides de sportifs, les routes délaissées des automobilistes, et l'école compte donc une vingtaine d'étudiants. la prise de risque est judicieuse puisque chaque acteur multiplie ainsi les différentes facettes de leur personnage. Seul le personnage principal, incarné par un Joseph Gordon-Levitt irréprochable, restera constant dans la peau du lycéen au lourd passé mais ferme dans sa décision de savoir qui a fait la peau de son ex-amour (première image saisissante et glauque nous plongeant d'emblée dans un univers singulier et noir).
Tous les autres éléments utiles à un bon polar répondent présent. Le puzzle du meurtre se dévoile peu à peu, au fil des rencontres et des masques qui tombent ou encore des déductions pour aboutir sur un twist final semblant s'abandonner au désespoir. Résumer cependant ce film à une intrigue à tiroirs alambiquée ou à une prestation de très bonne facture n'en ferait pas un film inoubliable. Non, ce qui lui permet de passer à la catégorie supérieure des films restant en mémoire, c'est son ambiance. Noire donc, mais lancinante (comme les plaies cumulées au fur et à mesure de son aventure par Brendan) et prenant son temps, proche d'un Mulholland Drive ou d'un Donnie Darko et marquée par une musique quasi-absente et souvent limitée à trois ou quatre notes quand elle apparaît.
Le décalage entre l'age des acteurs et le contexte de l'histoire y fait aussi beaucoup. On assiste à des scènes et des dialogues très forts difficilement imaginable (enfin j'ose espérer) mettant aux prises des jeunes de 20 ans quand on verrait plutôt la trentaine. La scène de bagarre entre la star de foot locale et l'anti-héros sur le parking du lycée fait son petit effet, Le repère du baron de la drogue local est la maison de maman... Bien sur, il y a aussi des resucées, comme la soirée privée sortant de Eyes wide shut, mais le style est toujours là pour rattraper le coup.
De plus, la mise en scène n'est pas délaissée, les cadrages sont toujours au poil sans jamais se laisser déborder par la facilité ou le tape-à-l'oeil superflu. La lumière est tout simplement sublime, mettant en avant la froideur du tunnel bétonné ou la chaleur familiale du QG du dealeur.
J'attendais avec impatience sa sortie en France, je n'ai pas été déçu.