Ca commence par des enfants qui crient. Des coups de klaxon. La ventilation qui ne marche pas. Des stickers à la con sur les pare-chocs des voitures aux alentours. La sueur qui perle au visage, et le levier pour ouvrir la vitre côté conducteur est cassé. Une mouche progresse sur notre cou. On ne tient plus.
Le personnage principal est pris dans les embouteillages, et chacun de ces éléments sont tels des gouttes d’eau dans un vase, un vase certes grand, mais qui va inévitablement finir par déborder.
Le début de "Chute libre" est tout à fait admirable dans le choix de ses plans, le montage, et le mixage audio qui nous placent à fond dans l’intériorité de William Foster, le personnage joué par Michael Douglas, et on comprend parfaitement son agacement comme si on était dans sa peau. Surtout qu’on a tous vécu de ces moments où n’importe quel petit détail nous donne envie de péter les plombs.
Je pensais au bout de 5mn seulement que j’allais adorer ce film. Mais après ça, on peut presque dire que c’est la chute.
Le travail du son et de l’image reste superbe toutefois. Il y a de mouvements de caméra à la grue fabuleux, une bonne synchro entre déplacement de la caméra et déplacements des acteurs, et des plans compliqués comme celui où, dans le pare-brise à travers lequel on observait jusque-là un panneau publicitaire, on voit en reflet l’arrivée d’un policier.
L’image est d’une teinte souvent grisatre ou brun clair, en tout cas on dirait que l’environnement est toujours délavé et poussiéreux, on voit dans quel contexte on veut nous placer, et aux ondulations à l’image par moments, on a aussi une idée de la chaleur dans laquelle évoluent les protagonistes.
William Foster est un personnage en révolte contre les petites absurdités du quotidien… du moins, ça c’est ce qui m’était promis. Ca commence mal, quand le premier acte contestataire du héros consiste à s’en prendre à un Coréen auquel il reproche de venir dans son pays, prendre son argent, et ne même pas apprendre sa langue, avant d’ajouter une connerie du genre "vous savez combien d’argent mon pays a donné au votre ?".
Non, je peux pas m’engager avec ce personnage dans sa folie destructrice avec des propos et des raisons de se révolter aussi nazes.
Il estime que c’est trop cher dans le magasin dans ce Coréen, et détruit tout, en restant très 1er degré tout du long.
C’est plus marrant quand il s’en prend ensuite à des membres de gangs ('you forgot my briefcase !"), on accepte le sérieux du personnage car il est confronté à des êtres incontestablement répréhensibles.
Le problème qui se pose à partir de là est qu’il y a trop de conneries et d’incohérences dans Chute libre qui marcheraient seulement si le film était dans un délire second degré. Au lieu de ça, ici, c’est débile : je pense par exemple au passage où le gang essaye d’abattre Foster à la mitrailleuse, et ne l’atteignent pas une seule fois alors qu’il reste immobile, mais par contre ils tuent des passants à côté.
Autre chose qui m’a dérangé, c’est que Foster est un personnage sans réelle identité ou personnalité. C’est juste un fonctionnaire avec des grosses lunettes, une coupe au carré, et une cravate noire sur une chemise blanche, il est juste la représentation d’un type de personne, qui amuse par contraste avec ce qu’il commet dans ce film.
Il répète régulièrement "I’m going home" alors qu’il évolue en ville et tire sur tout ce qui l’énerve, c’est idiot, et je ne comprends pas ce qui le motive. Qu’est-ce qu’il cherche à faire ? Il dit simplement vouloir aller à l’anniversaire de sa fille, et que tout ira bien si on le laisse tranquille ; le pétage de plombs ne justifie pas tout, je ne peux pas croire qu’il croit en ces idioties qu’il raconte, il n’y a aucune logique dans son raisonnement.
Il y a quelque chose qui ne colle pas, entre son intention de retrouver sa fille, qui est un but qui a besoin de s’étendre sur le long terme, et ses agissements criminels qui sont ceux de quelqu’un qui n’a pluss à se soucier de l’avenir et des conséquences.
Tout ce qu’il y a de sympathique chez le personnage, ce sont des rares répliques qui prêtent à sourire : "a vet, you’re an animal doctor ?".
Je me suis dit au bout d’un moment qu’on est censés voir Foster comme un con et qu’on n’a pas à prendre son parti, mais où est ce film que j’attendais, ce film pertinent par sa critique de la société ?
La majorité du temps, j’étais plutôt du côté des gens auxquels Foster s’oppose, je ne voyais pas en quoi il avait à se révolter. Il se fâche dans un fast food parce qu’on ne veut pas lui servir de menu petit-déjeuner une fois l’heure passée ; c’est ça le héros du film ? Je rappelle que le film garde l’air sérieux du premier degré, ce qui pour moi laisse entendre qu’à défaut d’humour il y a un propos à servir, or où trouver un vrai propos à ce moment là ? On est censé se révolter contre ça ?
La scène du terrain de golf où William reproche à deux vieux d’occuper un territoire aussi vaste pour leur plaisir personnel, interdisant quiconque de venir, là oui c’était pertinent, là effectivement il y a un problème à dénoncer, mais alors ne pas avoir de petit-déjeuner au fast-food une fois 11h30 passés ? Non, c’est idiot.
Il y a des scènes avec des éléments amusants, mais dans des contextes qui restent tendus, c’est rare que ce ne soit pas awkward (le gamin qui lève la main au fast-food, ça c’était bon), autrement je ne comprenais pas le personnage, avec ses blagues dans des contextes inappropriés il avait juste l’air d’un "lunatic" à mes yeux.
En parallèle de Walter, on suit également un flic dont c’est le dernier jour avant de partir en retraite, évidemment c’est ce jour-là que la merde éclate.
Malgré tout, il reste quand même de bonnes idées qui parcourent le film : le gamin qui indique à Foster comment utiliser un bazooka après avoir vu ça à la TV, le "don’t forget me" du manifestant, cette discussion fonctionnelle entre le policier et sa collègue où est intégrée un peu de tension par le fait qu’il doive alterner avec une discussion avec sa femme, … J’ai aussi appris que si les ouvriers de la voirie ne se servent pas de leu budget, ils ne reçoivent pas la même somme d’argent l’année suivante, enfin j’espère que c’est vrai, c’est intéressant.
Je suis déçu, j’avais vraiment envie de l’aimer ce film.
Lui préférer God bless America, pertinent ET drôle.