Colonel Blimp s'ouvre en 1942 à Londres lors d'un exercice militaire se finissant dans un bain turc où le général Clive Wynne-Candy se souvient de sa jeunesse 40 ans auparavant dans ce même bain turc et de tout le chemin qui l'a mené jusque-là et notamment de son amitié avec un militaire allemand.
Ce qui frappe d'emblée, ce sont les différents messages du film alors qu'il sort en 1943, période de guerre et propices à la propagande dans l'art. "Colonel Blimp", réalisé par Michael Powell et Émeric Pressburger se situe bien loin de tout ça, il montre la guerre sans mettre en scène des combats sur les champs de bataille et narre une amitié entre un officier britannique et un soldat Allemand qui s'étale sur quarante années de leur vie, tout en tournant en dérision l'armée Britannique et ses valeurs conservatrices.
Né de la plume du caricaturiste David Low en 1930, Colonel Blimp est avant tout une ode à l'amitié entre deux personnages ô combien intéressant. Le duo de réalisateurs braque sa caméra sur le général Clive Wynne-Candy que l'on découvre d'abord vieux avant de voir sa vie défilée, marqué par son sens de l'honneur et de la nation ainsi que les diverses rencontres qui ont changé sa vie telle celle avec une anglaise installée à Berlin au début du siècle, avec sa femme qu'il rencontre lors de la Première Guerre mondiale et bien évidemment Theodore Kretschmar-Schuldorff avec qui il se bat d'abord en duel avant de fraterniser dans un hôpital.
Une amitié marquée par les différents aléas de la vie, les séparations, les retrouvailles et surtout le contexte de deux guerres où l'Angleterre et l'Allemagne n'étaient pas dans le même camp. Une amitié doublée d'une méditation sur le temps qui passe et du jugement de sa propre vie que Michael Powell met subtilement en scène et en fait ressortir toute l'émotion pour rendre le film touchant, beau et mélancolique. Colonel Blimp prend souvent un ton léger avec plusieurs touches d'humours, que ce soit à travers les personnages ou les situations, souvent bien trouvées et c'est là l'une des réussites du film, faire ressentir la gravité des situations et l'importance de ce que l'on peut parfois considérer comme d'infimes détails de la vie.
Bénéficiant de dialogues qui sonnent toujours juste et d'un scénario passionnant, riche et subtil, Colonel Blimp met en scène des personnages qui le sont tout autant. On se sent proche de cet officier et des péripéties qui lui arrivent et on est emporté dans ces 40 années de vie. La réussite tient aussi au traitement des rôles féminins, qui sont, là aussi, toujours juste et fort et tout en subtilité. Ici elle paraît toujours vivante et éternelle mais à chaque fois dans un corps différent, montrant l'idéalisation que s'en fait l'officier. Pour retranscrire les quarante années de la vie de cet homme, les ellipses étaient nécessaires et elles sont toujours très bien mises en scène, permettant de faire ressentir ce temps qui passe, les changements d'époques mais que par moments les hommes restent le même, à l'image de cette scène où l'officier allemand tente d'expliquer que les ennemies ne sont plus les mêmes et qu'il faut s'adapter.
Tout le long, et ce dès la première scène, on est éblouie par la qualité visuelle du film. Les décors, que ce soit en extérieur ou intérieur sont superbes, sublimé par la caméra de Michael Powell, ses cadres et ses mouvements ainsi que par la magnifique photographie en couleur. Dans le rôle de l'officier britannique, Roger Livesey livre une grande interprétation, tout comme Anton Walbrook et Deborah Kerr dans un triple rôle. Trois acteurs qui retranscrivent à merveille la fuite du temps et la vie qui passe.
Un film comme on en voit rarement, une claque marquante pour une oeuvre à la fois légère et bouleversante, alternants différents genres et qui traite à merveille du temps qui passe, de l'amitié et tout simplement de la vie...