Deux soldats, l'un britannique (Clive), l'autre allemand (Théo), se battent en duel pour laver l'honneur de leurs patries respectives. Ils se retrouvent tous deux à l'hôpital, où ils se lient finalement d'amitié. Leurs destins seront désormais liés, à travers les deux guerres mondiales et sous les yeux de trois femmes qui n'en font qu'une...

On entre dans cette œuvre du tandem Powell/Pressburger (leur première en Technicolor) avec une certaine appréhension: va-t-on assister à un film de propagande typique de l'époque? A une peinture pénible des combats entre deux armées caricaturales? A un triangle amoureux classique et rebattu?

Rien de tout cela.

Dès l'ouverture, c'est une merveille: les noms des principaux acteurs brodés sur une tapisserie ancienne font office de générique, sur lequel la musique superbement composée et arrangée par Allan Gray annonce le ton: le récit sera tour à tour drôle, émouvant, sautillant ou plus grave. Car les deux génies anglais savent manier la rupture de ton avec grandeur et inventivité: le dynamisme parodique et "cartoonesque" des premières scènes (le Colonel Blimp est un héros de bande dessinée) fera place à des séquences plus profondes, plus intenses, parfois avec humour ( les scènes au café berlinois, les discussions autour de la préparation du duel), toujours avec force (le monologue de Théo, qui, vers la fin de sa vie, quitte l'Allemagne nazie pour retrouver "le pays de sa femme", L'Angleterre...sans doute l'un des plus beaux moments de l'histoire du cinéma).

"Colonel Blimp" est un film qui prend son temps, un temps fluctuant, insaisissable, le temps qu'il nous faut pour se nourrir de chaque instant de ces deux vies croisées. Il est surprenant de constater à quel point cette histoire parvient à nous émouvoir...peut-être parce qu'elle ne cherche précisément pas à le faire...peut-être car elle semble se construire sous nos yeux, par petites touches.

A coup de plans magnifiques (la caméra aérienne de Powell et Pressburger qui s'élève au-dessus des duellistes, prend son envol et surplombe le gymnase, plongé dans la nuit, sous la neige) et d'un montage brillantissime (le flashback aux Bains Turcs, puis les murs de la chambre de Clive qui se couvrent, au fil des années, des trophées de chasse), "Colonel Blimp" nous entraîne dans un véritable tourbillon ; l'excellence du scénario approfondit le cœur de chaque personnage au sein de chaque épisode de cet itinéraire, historique ET intime.

Un chef d'œuvre passionnant, plein de surprises, d'une richesse insoupçonnée.

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Frankoix
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le 23 juil. 2010

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