Une histoire d'amour et de sang, somptueusement mise en images par Coppola.
Ce qui frappe avant tout, c'est la splendeur visuelle de l'œuvre. Le prologue, sanglant, donne le ton : le film sera un champ d'expérimentation...
... plastique tout d'abord, où chaque décor, chaque costume, chaque visage est soumis au raffinement suprême. En préparation du film, Coppola avait donné à sa créatrice de costumes, Eiko Ishioka, l'indication suivante : « les costumes seront les décors, et le décor sera l'éclairage » : tout agit en interaction ; chaque élément participe de l'élaboration de véritables tableaux vivants.
...filmique ensuite : le réalisateur tisse une toile de plans et d'angles de caméra très inventifs. L'arrivée de Dracula à Londres coïncide avec l'invention du cinématographe (« l'attraction du siècle, la nouvelle merveille du monde ! », clame-t-on dans les rues) ; Coppola nous offre même des prises de vues générées pas une authentique caméra Pathé... Et rend hommage aux expressionnistes, au cinéma muet (on peut sentir l'influence du « Nosferatu » de Murnau). Dracula évolue dans un monde presque surréaliste, dont les frontières ne sont pas définies.
...magique enfin : Coppola est un prestidigitateur, un artisan qui n'a pas souhaité recourir aux technologies de pointe pour élaborer ses effets visuels : tout est conçu « à l'ancienne », par des effets de photographie inversée, de transparence, de miniatures et de double exposition. Coppola retrouve toute la naïveté de la lanterne magique, des ombres chinoises ; il souligne l'artifice (tout est tourné en studio) et nous fait oublier tout ce que l'on connaît au sujet du vampire (et du film de vampire)...
Cette fête pour les yeux est au service d'un récit aux multiples voix, très fidèle au livre originel de Bram Stoker. Gary Oldman est un extraordinaire Dracula, intense et brûlant dans ses premières scènes, inquiétant et imposant en vieil homme qui a traversé les siècles, puis romantique et émouvant lors de son voyage à Londres. Ce vampire est un être protéiforme qui ne poursuit qu'un seul but : survivre, pour retrouver son amour perdu. Plus qu'un monstre terrifiant, il est un fou d'amour, capable de la sauvagerie la plus surprenante (il prend littéralement l'apparence d'une bête à plusieurs reprises), et de la délicatesse la plus pure (il change les larmes de la femme qu'il aime en diamants). Ce qu'il veut transmettre à Mina, c'est « la vie éternelle...l'amour infini ».
Une merveille.