Dracula par Sergent_Pepper
Alors oui, nous avons affaire à un grand cinéaste et ses choix sont à prendre en considération. Oui, il cite Klimt et Murnau, oui, il fait références aux origines du cinéma et traite en même temps du SIDA, oui, les couleurs sont explorées dans leur spectre intégral et les certaines étrangetés peuvent découler d’un choix esthétique cohérent. L’expressionisme, les ombres chinoises, le factice volontaire des décors invite à l’ouverture vers un monde baroque et gothique. Oui, l’initiation à l’amour absolu qui ne peut s’affranchir de la souillure du sexe dans de lourds drapés est un thème fertile et complexe.
Et oui, Winona Rider est la plus belle femme de la fin du XXè siècle.
Seulement voilà, Coppola a un handicap majeur dans son processus de création : aucune économie de moyen. Quand ses prédécesseurs exploraient les jeux d’ombres du noir et blanc, il nous dégobille à la face une publicité qui vanterait les 16 millions de couleurs disponibles sur un écran high-tech. Peu avare en effets spéciaux, on s’embourbe dans une lourdeur peu commune. Les pouvoirs de Dracula et de son ombre autonome toutes les 10 minutes, des surimpressions à vous donner la nausée, des effets sonores jouant sur des bandes passées à l’envers et des battements d’ailes (effet que l’on retrouvera d’ailleurs dans Tetro)… tout est excessif et pompier.
Reeves, l’endive de service, est insipide à souhait quand Oldman change de facies à chaque plan, faisant le bonheur des maquilleurs et le malheur des adhérents au cercle du bon goût. Car le film a atrocement vieilli, et les créatures qu’on croirait sorties de Buffy ou d’un épisode de Stargate boursoufflent encore davantage la machine. Il faut quand même avoir un sacré culot pour faire passer pour une trouvaille formelle le fait de faire tanguer sa caméra de droite à gauche pour mimer le malaise ou, parmi les séquences les pires, nous mettre en caméra subjectif du démon qui parcourt en vitesse rapide les rues de Londres. Jouant sur les deux tableaux du projet esthétique ambitieux et de la grosse machine (car violence, monstres et démones à forte poitrine, ne nous le cachons pas, c’est tout de même sacrément bankable), Coppola se perd dans un feu d’artifice outré et plus proche du téléfilm que du grand œuvre littéraire et atemporel.
http://www.senscritique.com/liste/Top_Francis_Ford_Coppola/340366