Voilà le meilleur exemple du génie cinématographique asiatique. Le début, plan-séquence annonçant la couleur de ce chef d'oeuvre, nous fait comprendre que ce film prendra son temps. En effet, c'est avec ces premières minutes pesantes que l'on voit ce qui nous attend : la lente et sourde agonie d'un couple en fin de vie. La femme décidant de quitter son mari alors qu'ils sont en voiture nous montre déjà que Lee Yoon-ki utilisera toujours les espaces filmés à bon escient : pendant ce début, c'est une nouvelle aussi déchirante que possible pour le mari, et ce dans un endroit très petit et refermé, qui l'oblige à y faire face tout en conduisant.
Rappelant Kore-eda, pour n'en nommer qu'un, la suite se passe exclusivement dans la maison, beaucoup trop grande pour ces deux âmes errantes dans les multiples pièces, s'évitant mais désirant également profiter des derniers instants qui leur sont accordés. Le mari, d'ailleurs, n'a apparemment jamais été aussi gentil et attentif, ce qui énerve sa femme, qui souhaite le voir réagir et exprimer sa colère. Colère qu'il ne ressent pas, ayant en effet compris que c'était trop tard pour sauver son couple. Pourquoi se mettre en colère et gâcher ces derniers moments ?
C'est donc sur ce constat très simple que tout le film va se jouer : deux personnes dont l'amour n'est que souvenirs (présents dans presque toutes les pièces, sous forme de livres, figurines, etc.), ce qui rend la nouvelle réalité d'autant plus difficile. Car qui n'a pas connu ce sentiment si douloureux, annonçant la fin d'une aventure, aventure qui parait d'autant plus magnifique et dont la séparation semble être la fin du monde ? Ici, le mari essaie donc de savourer cette journée comme il le peut, en faisant son café qu'elle apprécie tant (surtout ce jour-là), en étant serviable et calme. La scène où elle le frappe à deux reprises à cause de sa serviabilité est d'ailleurs déchirante, montrant seulement avec des gestes ce que trop ont essayé d'exprimer avec des mots : "je t'aime et te déteste".
Cette oeuvre nous rappelle bien sûr My Dear Enemy de par la temporalité, tout le film (à l'exception de la scène introductive) se passant sur une journée, car le film précédent du réalisateur nous montrait également la brutale fugacité de l'amour. C'est également ce que l'on voit ici : malgré de nombreux moments heureux partagés, leur amour n'est pas suffisant (l'est-il jamais?) et la différence d'avec beaucoup d'autres couples, c'est qu'ici la femme décide de partir, au lieu de continuer ce qui est devenu un mensonge. Alors que le couple voisin leur rend visite pour chercher leur chat, on voit d'ailleurs tous les défauts de ces deux nouveaux-venus, mais ceux-ci ont l'air de les ignorer et se voilent la face. Quant à nos deux protagonistes principaux, ils sont en train de vivre ce que chaque personne en couple redoute : la fin, donc la mort, tout simplement.