Dans les 60s, Selma sous les traits de Bjork est une femme décalée et maladroite, employée confuse, mère épuisante. Le personnage est proche de celui de May (drame avec Angela Bettis), en plus retardé. Elle va devenir aveugle puis tomber dans la criminalité, toutefois durant la séance on se demande s’il ne s’agit pas plutôt de l’histoire d’une trisomique adaptée. Tout est à cette image dans Dancer in the Dark. C’est émotionnel à fond et ça ne parle de rien de bien distinct. Autour des grandes lignes du scénario, du gras, des numéros musicaux criards et une esthétique spontanée pour épaissir.


Caméra à l’épaule, Lars Von Trier refuse d’être un styliste. Il n’y a de la place que pour le mélo conforme au réel pris à vif. Le résultat est désastreux et repoussant. Dancer in the Dark est un film gluant, dégoulinant, un gros brouillon vulgaire. C’est trop démonstratif et cette réalité, ces personnages, portent avec conviction un interminable bric-à-brac. Les dialogues, les idées, sont foutues les unes par-dessus les autres. La photographie est laide, le travail de l’équipe technique consiste à installer une hideuse chape grise dont l’effet est l’amateurisme plus que l’authenticité. Dancer in the Dark est un film sale, l’image est moche, les personnages stupides, ils susurrent trop près de nos oreilles.


Bjork est répugnante au point que sa présence à l’écran devient gênante. Lars Von Trier la pousse à la régression et maximise tout ce qu’a d’épouvantable sa mièvrerie arrogante caractéristique. Cette laideur insistante, voisine des performances de l’inénarrable T’aime de Patrick Sébastien est le fruit de l’opposition sur le tournage entre l’actrice-chanteuse et le réalisateur, digne de celle de Shelley Duvall avec Kubrick sur Shining. Bjork se livre entièrement, c’est un monstre digne de Carrie du Bal du Diable et il n’y a aucune satisfaction à tirer d’un spectacle aussi avilissant. Il est emporté définitivement vers le fond par sa démagogie et sa déclaration d’amour à toute cette dégradation dont Lars fait les stigmates d’une prophétie.


Lars Von Trier se trouve dans un conflit de perspectives, à la fois revenu à la source du Dogme 95 qui demeurera toujours une référence pour son travail ; et en même temps travaillant une folie douce, au travers d’artifices désuets et sur la base d’une humilité totalement hypocrite. Melancholia sera bien plus réfléchi et soigneux, sans prétentions déguisées, sans vendre de cette écœurante rêverie ironique. Ici c’est tellement pathétique que Lars en arrive à la dénonciation politique et sociale basique, contre la peine des morts et pro-ouvrière. Dommage alors d’illustrer cette noble sensibilité en allant chercher une délirante issue de leur rang, preuve s’il en fallait que Lars, comme tout le monde, se fout complètement de ces sujets consensuels qui sont rarement envisagés frontalement au cinéma.


Ce que toutes les formidables critiques omettent de dire, c’est que ce résultat là, à l’écran, ne relève pas de l’avant-gardisme, mais du Z total. Rarement des séries B tombent si bas. Alors Lars Von Trier est inventif, c’est un fait, mais est-il solide ? Il est en totale panne et déraille complètement, ce qui lui donne l’avantage d’être au fond, détaché et de se moquer du résultat. David Lynch a eu le même genre d’égarement avec INLAND EMPIRE, sauf que lui restait attaché à construire un film complexe, là où Lars est perdu. Avec ses zones d’inspiration et ses fulgurances, comme la séquence du pont. On dirait qu’il a expédié un film de commande en se lâchant de borderline façon.


http://zogarok.wordpress.com/2014/11/16/dancer-in-the-dark/

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le 16 nov. 2014

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