If living is seeing, I'm holding my breath
In wonder, I wonder, what happens next
A new world, a new day to see...

C'est sur ces dernières paroles de Björk que je quitte la chambre de mon frère. Le film se finit sur son ordinateur, mais je continue de pleurer. Mes cris déchirent encore l'appartement, et les mouchoirs sont répandus un peu partout. C'est fini, enfin. Cette épreuve d'une souffrance terrible, d'une tristesse incroyable, d'une intensité unique. Il faut retourner à la vie, voir des gens, bouger, sourire aussi. Ca va être dur.

Dancer in the Dark est une claque. Phénoménale et monumentale. Dans tous les sens du terme, cinématographique et physique. On n'en ressort pas indemne, si l'on est entré dans le film. Je ne parlerai pas de ceux pour qui ce n'était pas le cas. Bien que je puisse le comprendre, je ne suis absolument pas concerné donc je passerai toute la partie violence gratuite et facilités scénaristiques. Dancer in the Dark est une claque. Ou plutôt un point dans la gueule, si vous me permettez l'expression. Une bonne grosse frappe de votre plus grand ennemi qui vous projette au sol. Il vous faudra plusieurs heures pour pouvoir revenir à votre état normal. Des heures au plus bas, touché comme jamais vous n'avez été touché, l'esprit totalement détruit.

La vie est moche, injuste, dégueulasse, noire, dure. On perd tout courage, tout espoir, toute foi en l'humanité. On perd tout. On est nu face à ce film, sans rien pour se protéger. Le film est nu devant nous, sans artifices. Juste des larmes et des coups. Grâce à quoi ? Grâce à Lars von Trier. Son Dogme95 et sa façon de filmer si spéciale. Dancer in the Dark ressemble à un documentaire et les acteurs du film ont énormément de liberté. Tout ça, c'est magnifique parce qu'il va toujours au bout de sa mise en scène, au bout des dialogues, au bout de ses idées, au bout de l'intrigue. Parfois il va trop loin peut-être. Mais il n'empêche qu'il va au bout, et rien que pour ça, je l'admire. Il ne se soucie pas du reste du monde, il se soucie de ses acteurs. Il se soucie de Björk, de Selma, et ça se voit. Elle est constamment mise en avant, tous ses talents sont à leur maximum, mais j'y reviendrai.

Parlons d'abord de l'histoire. La plus horrible, la plus sadique, la plus injuste. Tout le monde s'acharne sur Selma, même les gentils s'y mettent. Elle en ressort magnifiée, car en position de victime, on ne peut la trouver que plus majestueuse. Ce que Selma donne aux gens est fabuleux, pourtant elle n'a pas grand chose. Lorsqu'elle leur donne de l'amour, c'est vraiment beau. Alors je peux vous dire que plus on avance dans le film, plus c'est dur.

Le moment est venu pour moi de parler de la performance de Björk. Elle s'est directement placée grâce à ce film en première position de mes actrices préférées. Un seul film, mais quelle actrice. Après elle, même une Kirsten Dunst de Melancholia ou une Natalie Portman de Black Swan vous paraitra fade. D'accord, le rôle donné par le réalisateur est plutôt intéressant pour faire une bonne performance, mais quand même. Comme je l'ai dit précédemment, Lars von Trier laisse une grande liberté à ses acteurs. Je pense par exemple à la scène centrale du film ("you just did what you had to do"). On ne peut que s'incliner devant Björk lorsqu'on voit ces images. Et pourtant, Kirsten et Natalie sont balèzes, croyez-moi. Je connaissais ses talents de chanteuse mais je dois dire qu'avec Dancer in the Dark, Björk est passée du statut de chanteuse à déesse. J'en suis presque à faire une thèse sur le fait qu'elle n'est pas humaine, mais au dessus de nous tous. C'est vous dire.

La scène centrale du film, c'est d'ailleurs là où j'ai commencé à pleurer. Puis je n'ai pas arrêté pendant une heure et demie. Avec des hauts et des bas, mais surtout des bas. Des mouchoirs, des mouchoirs, quelques reniflements, des larmes qui coulent. Jusqu'ici rien de grave. Non non, je vous jure, rien de grave, c'est seulement des larmes. Ensuite, les cris sont venus. C'est là où tu te dis que les deux heures que tu viens de passer n'étaient rien. Viennent donc les 107 pas, le moment où la montée de la tension est la plus visible. Putain, on le sent se rapprocher autant que Selma. Là, les larmes commencent à s'accompagner de petits sons de tristesse, et je décidé de ne plus me contrôler. Autant tout lâcher, c'est bientôt fini.

Dix secondes avant la fin du film, mon cœur s'est arrêté de battre pendant un instant. Ça n'a duré qu'une milliseconde, qu'un seul battement. Mon cœur a simplement zappé un battement. Le vide intersidéral. L'impression de tomber d'une falaise, ce moment je m'en souviendrai toute ma vie. Lars von Trier, tu me dois un battement de cœur. Je ne parlerai pas de l'évènement qui a causé ce vide absolu en moi, ceux qui ont vu le film savent de quoi je parle, de toute façon. C'est la seconde d'après que les cris sont sortis. Tellement de souffrance en moi, tellement de haine, j'ai tout laissé sortir d'un coup. C'était la chose la plus puissante de ma vie. Je ne sais pas si je vivrai ça un autre jour. L'heure suivant Melancholia, par rapport à celle suivant Dancer in the Dark, fade aussi.

Les chansons sont également magnifiques, toutes sans exception. Le fait qu'elles commencent grâce à la vision de Selma du monde, les petits bruits de l'usine qui deviennent une mélodie, c'est véritablement génial. Chaque chanson arrive au bon moment, exprime les bonnes choses. Tout est parfait. Et à cela s'ajoute la voix de Björk, que vous dire de plus. Une déesse, une voix qui va chercher au fond de vous pour extraire les sentiments les plus purs et puissants. Il y a aussi New World, un véritable bijou (cf ma critique), une chanson parfaite, tout simplement parfaite. Et le début de 107 Steps, quand on tape du pied pour que Selma puisse se repérer et créer une musique dans son esprit, comment voulez-vous que je ne pleure pas ?

Comme je n'ai plus la force de faire une conclusion parce que même le fait d'écrire une critique de Dancer in the Dark me rend tout patraque, je conclurai avec cette phrase de Philistine, que l'on peut retrouver dans la critique de Gizmo. Cette phrase, j'y pense en permanence depuis que je l'ai lue : "les pires moments de ma vie j'ai pas chialé autant que devant Dancer in the Dark". Tout simplement.

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le 28 janv. 2012

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