Les Intouchables du pauvre
Revoir Omar Sy dans un rôle de banlieusard sent Intouchables à plein nez ! Il n’est donc pas étonnant de penser que De l’autre côté du périph (véritable titre à rallonge comme on sait si bien les faire en France) espère réitérer le succès du film d’Oliver Nakache et Éric Toledano en reprenant l’acteur principal et en remettant sur le devant de la scène les inégalités banlieue/luxe sur le ton de l’humour, cette fois-ci sur fond d’enquête policière. À se demander maintenant si le réalisateur de Cyprien, David Charhon, est arrivé au même résultat qu’Intouchables !
Eponine Chaligny, épouse de Jean-Éric Chaligny, premier patron de France, est retrouvée assassinée à Bobigny en banlieue parisienne. François Monge, flic parisien aux méthodes acémiques et promis à un bel avenir dans la police, se voit obligé de collaborer contre son gré avec Ousmane Diakhaté, flic de couleur aux méthodes discutables issu de la banlieue, qui s'invite par ruse dans l'enquête. Celle-ci oscille de part et d'autre du périphérique, tantôt dans la haute société des beaux quartiers parisiens, tantôt parmi les barres d'immeubles de Bobigny où règne le petit monde de la délinquance. Des liens inattendus entre ces mondes vont être mis en lumière.
Si Intouchables évitait les clichés en usant d’un humour tout frais, basé sur des répliques et blagues qui tapaient dans le mille (dont le fameux œuf de Fabergé désigné en tant que Kinder), De l’autre côté du périph sens le déjà-vu dès les premières images, sans pour autant apporter du neuf dans ce qui s’est fait maintes fois pour le sujet traitant de la frontière entre la luxure parisienne et la banlieue. Ici, la frontière, c’est le périph. D’un côté, un flic de couleur aux méthodes douteuses, de l’autre, un parfait cireur de pompes qui croit tout connaître du monde et du danger. Et c’est parti pour un enchaînement de gags et de personnages stéréotypés qui ne renouvellent en rien le genre (la banlieue étant toujours aussi peu accueillante, les beaux quartiers parisiens sentant autant le faste et le rejet du bas peuple que d’habitude…). Bref, c’est cliché sur cliché ! Mais fort heureusement, il faut reconnaître à De l’autre côté du périph son enquête, plutôt bien ficelée (en tout cas bien mieux qu’une production Besson telle que Banlieue 13 ou bien Le Baiser Mortel du Dragon), la plupart des situations qui font rire (le club à partouze, Omar s’affichant durant le conseil patronal…) et aussi un certain culot à vouloir travailler scénaristiquement le personnage Ousmane Diakité, bien que ce travail soit imparfait.
Mais ce que l’on retiendra le plus avec De l’autre côté du périph, c’est le tandem Omar Sy / Laurent Lafitte. Il est le seul argument véritablement convaincant de ce film ! En effet, durant 1h36, on remarque sans cesse ce sentiment de complicité qui unit les deux acteurs, augmentant ainsi les chances à l’humour de faire de mouche, aux répliques d’être croustillantes, aux situations comiques de sonner juste. Il faut dire que pour Omar, c’est plutôt en terrain connu que l’acteur s’aventure ici, nous livrant une nouvelle fois un Driss tout droit sorti d’Intouchables, grâce à un naturel bluffant, au point de nous faire mourir de rire sur des détails pourtant incongrus (comme la scène de l’opéra, il s’extasie ici sur une nuance de gris des chemises que portent les membres de tout un conseil). Quant à Lafitte, véritable tête à claque, il se montre tout simplement poilant ! Un duo qui efface le reste de la distribution !
Ce qu’il faut également reconnaître dans ce film, c’est l’efficacité de la mise en scène. Non dans le travail émotionnel ou bien artistique (maladroit de ce côté-là), mais plutôt du côté du divertissement, rendant des séquences d’action (la course-poursuite du début, la fusillade dans la salle de jeu clandestine…) aussi palpitante que dans un film américain (ou du moins une production Besson). De quoi nous tenir en haleine quelques minutes en nous sortant de cette ambiance comique, amenant un peu de fraîcheur à l’ensemble.
S’il semblait suivre ses traces sur le papier, De l’autre côté du périph n’est pas Intouchables, n’ayant pas un humour aussi percutant, une émotion bien trop maladroite et des clichés à gogo. Il n’en reste pas moins une comédie efficace, le devant à son duo d’acteurs, irrésistibles, et à un humour, certes pas hilarant, mais qui fait souvent mouche. De quoi faire passer un bon moment !