Longtemps, le film Doutes, est resté ce genre de film "invisible" et culte pour une petite frange de spectateurs ironiques. En 2012 (2013 ?) lorsque sa bande annonce sort, elle tourne sur twitter sous la mention "Mesdames et messieurs : Le cinéma français" et les twittos se moquent de l'impression de parodie que cette bande annonce véhicule. Tout y est : les rôles principaux sont tenus par deux personnages publics souvent moqués pour leur airs de tête à claque (Benjamin Biolay et Christophe Barbier) tout le monde joue mal, semblent s'appeler d'appartement bourgeois du XVIe et sortent des phrases creuses sur la politique. Sans parler des phrases idiotes "Quand tu me regarde, tu trouve pas que je ressemble à un canton Suisse ?" qui explique qu'une bande annonce de ce truc ai engendré l'hilarité générale.
Sortit confidentiellement sur Paris, le film n'aura jamais été édité en DVD et les deux têtes d'affiches évitent soigneusement de dire qu'ils y ont participés. MisterFox le recherchait et il aura fallut que je tombe aujourd'hui, 28 août 2018 sur un tweet de Ginger Force qui, elle même retweetait RealMyop qui expliquait que le film était depuis 2 mois sur YouTube. En me comptant, on peut dire que ce film n'intéressait que des YouTubers d'horizons assez variés.
J'étais en plein montage, il me fallait un truc en font sonore, j'ai donc maté ce Doutes. La bande annonce n'est pas trompeuse. C'est bel et bien Benjamin Biolay, Christophe Barbier et deux actrices françaises qui parlent de politique pendant 1 heure et demi dans des appartements ou des cafés parisiens après s'être invités à une petite bouffe (couscous, pâtes, tartiflette au menu) ou à un kawa. Le film commence en 2008 et fini en 2012 et est une sorte un melting pot des phrases toutes faites sur la politique balancées durant les années Sarkozy.
Le film est un navet : Mis à part certaines phrases qui se veulent littéraire (et n'en sont que pompeuse et ridicule) il est bien trop ennuyeux, bien trop sans intérêt pour générer le rire. Il n'y a que la sous-intrigue concernant D.S.K. qui, elle, est d'une stupidité à toute épreuve.
En effet, en ayant marre que les personnages parlent politiques dans le vide, la meuf de Benjamin Biolay balance qu'elle couche avec Dominique Strauss Khan. Sauf que tout le monde la prend au sérieux, y compris son mec, qui, estimant que D.S.K. est "le candidat naturel de la gauche" en vient à admirer sa copine qui s'invente une liaison avec celui qu'il considère comme "un homme plein de charisme" (lol.) Lorsque l'affaire du Sofitel éclate, sa copine se sent obligée de lui faire croire qu'elle est auprès de DSK. Lorsqu'il apprend qu'il n'est pas cocu, Biolay s'enfonce dans la déprime et envoie un lien internet à ses amis renvoyant à une vidéo sur laquelle on assiste à son suicide face caméra. (Il a eu de la chance que le bot de YouTube ne srike pas sa vidéo, sinon, c'était vraiment parti pour un Darwin Award.)
Ce film a sans doute été écrit par la seule personne de France qui prend ce qui est dit dans les éditos politiques pour argent comptant : Non seulement elle trouve un intérêt non-ironique à Christophe Barbier au point de penser qu'on puisse vouloir rester dans une salle pendant une heure et demi en voyant périodiquement sa tronche, mais en plus, elle met en scène un militant de gauche sincèrement Strauss kahnien. Sans doute s'imaginait-elle sincèrement que cela reflétait réellement l'opinion du PS de l'époque. Ce qui est rétrospectivement ironique quand on sait que les gens qui qualifiaient DSK de "candidat naturel de la gauche" ont toujours fait partie de l'aile droite et sont maintenant macronistes. (Bises aux éditos de Bruno Roger Petit plein d'amour pour DSK, qu'il a consciencieusement effacé en arrivant au poste de porte parole de l'Elysée.)
Non seulement la perspective de voir des acteurs tête à claque débattre pendant une heure du clivage "droite / gauche" en faisant du name dropping amène un brassage d'eau tiède, mais en plus il est vain vu qu'aucun de ses protagoniste n'est vraiment de gauche. C'est un film politique sans aucune notion de politique : les personnages se parlent de politiciens comme ils parleraient de stars du cinéma ou du théâtre, ne parlent jamais des mesures, des idéaux, de comment cela pourrait potentiellement changer leur vie si tel ou tel candidat arrivait au pouvoir.
Bref, on est dans un film qui en dit plus long sur l'absence de sens politique de sa réalisatrice que sur une quelconque réalité politique. Je n'ai rien contre le théâtre filmé et les films bavards, je n'ai rien contre la politique française, mais là, c'est vraiment le summum du film inutilement bavard. J'espère qu'en l'absence de recettes le personnel technique à au moins été payé.
Big up aux sous-titres en anglais de la version YouTube, des fois que ça intéresserait des gens à l'extérieur de ce pays d'entendre des gens jacasser de leur avis sur la politique française d'il y a dix ans.
C'est la première fois que je met un 1/20 sur Sens Critique. (Du moins, sur un truc que j'ai vu.) Ce film aura au moins réussi quelque chose.