Downton Abbey.
Ces deux seuls mots ont sur moi un effet extraordinaire. Ils suffisent à me rappeler ses longues heures de visionnage (et revisionnage). Une maison aristocratique. Une famille et leurs serviteurs. La vie, juste la vie, avec ses bonheurs et ses drames (parfois intimement mêlés), ses imprévus et ses inévitables, ses grands gestes et ses petites mesquineries, ses joies et ses peurs (qu’elles soient vrais ou fausses). Et une grand-mère acerbe qui distribue les punchlines sans répit.
Vous aurez compris que la série est une de mes œuvres préférés tout types confondu. J’aime l’ambiance, j’aime les personnages, j’aime la musique… Bien mais après ?
Qu’attendre de ce film ?
Sur le papier il y a de quoi avoir peur. Une suite après une fin aussi bien conçue. Une fin qui arrive à conclure la série tout en ouvrant sur de nouvelles histoires. Et que raconter qui vaille le coup, qui ajoute à la série sans être juste un épisode en plus ? Réponse : la consécration de ce qu’est Downton Abbey.
C’est donc une visite royale dans notre maison préférée qui sert d’intrigue. Et de prétexte. Car pour tout le bien qu’il y aurait à dire du film force est de constater que certaines choses ont posée problème lors de l’écriture. Comme les personnages, et comme nous, les auteurs ne parviennent pas à imaginer Downton Abbey sans Carson. Le film n’essaie même pas de justifier son retour, faisant fi de son dernier arc narratif de la série. Mais bon, la scène de son retour nous offre un très bon moment comique donc on pardonne. Je vais d’ailleurs évacuer ça tout de suite, Thomas part vivre sa propre histoire dans son coin. Concernant cette histoire elle est assez bien conçue et même si elle semble un peu fan service, elle est en réalité logique. Vue l’évolution magistrale du personnage dans la série, cela semblait être la seule chose que l’on pouvait encore raconter à son sujet. Mais cela se fait en l’excluant un peu injustement de l’intrigue.
Pour le reste du scénario c’est du pur Downton Abbey. Une grosse intrigue principale (la visite royale) autour de laquelle gravite des intrigues secondaires (le conflit des domestiques, la succession de Lady Bagshaw, la suspicion de Tom…) et des intrigues tertiaires (la virée en ville de Thomas, la relation Daisy/Andy, les doutes de Mary…). Là va repose le seul vrai défaut du film. On sent qu’habituer à écrire les intrigues sur des saisons, les auteurs ont eu du mal à faire rentrer leur style dans un film de deux heures. D’où une certaines surreprésentations de quelques personnages, et d’un en particulier (j’y reviendrai). Pour l’ensemble les différentes intrigues fonctionnent bien, et c’est presque impressionnant de voir tout ce que les auteurs sont parvenus à faire rentrer dans le film.
Passons aux personnages. C’était le plus grand piège de ce film. Avec l’impressionnante galerie de la série il était évident qu’ils ne seraient pas tous au rendez-vous. Quelques absences notables (Rose notamment) mais qui ont le mérite de ne pas donner au film l’aspect d’une grande réunion générale.
Parmi les personnages présents quelque uns sont réduits à de la figuration. Déjà le couple Robert et Cora (ce qui est cohérent avec la logique du passage de flambeau à Mary), Bates également (ce que je préfère plutôt que de voir encore une fois l’univers tout mettre en place pour l’empêcher d’être heureux lui et sa femme). Mais alors les champions dans ce domaine sont Isobel et surtout Henry Talbot.
Et concernant les personnages présents il y en a un qui domine complètement les autres (au point que je le considère comme le personnage principal du film) et c’est Tom. C’est d’autant plus amusant qu’il est finalement assez effacé dans la série, mais là il se place véritablement au centre de toutes les attentions.
Je veux dire, en 48h le bonhomme met en danger le roi, sauve le roi, sauve la monarchie d’un scandale et trouve l’amour, mettant par là même un terme à une brouille familiale importante.
A coté certains personnages ont du mal à exister. Lady Mary par exemple qui, bien que constamment au centre des évènements, semble surtout spectatrice, pour être prise d’un doute qui sort de nulle part, et qui ne va nulle part. Carson également, qu’on nous fait revenir comme étant le seul à pouvoir faire face au défi de la visite royal, mais qui au final ne fait pas grand-chose. Enfin, concernant les personnages qui ont du mal à exister vient Edith. Alors je passe rapidement sous silence l’intrigue de sa robe (exemple incarné des raisons pour lesquelles j’aime les intrigues de cette série) pour parler plus en détail de ses doutes vis à vis de sa vie et son statut. Doutes intéressants, et cohérent avec l’évolution du personnage dans la série, mais passant trop rapidement.
Pour le reste des personnages, chacun à droit à son moment, voir à son intrigue (sauf les quelques malheureux que j’ai déjà cité). Notons Daisy, dans la continuité de son évolution dans la série, quitte à en devenir agaçante, Moseley, qui suscite toujours autant de pitié et Anna, qui montre encore une fois à quel point elle déborde de ressources.
Mais bien entendu le personnage que touts les fans de la série avait le plus hâte de retrouver est Lady Violet. Et rien à dire, elle est à la hauteur des attentes. Toujours aussi caustique, toujours aussi entêtée, toujours aussi ironique.
Et Maggie Smith qui fait littéralement ses adieux au rôle. Cela me semblait nécessaire et est correctement amené. Si suite il doit y avoir, j’espère qu’ils la feront partir entre deux films, en douceur. Bien entendu, elle manquera mais cela va avec le thème de l’ancien monde qui s’efface doucement. Et le film offre même une apothéose au personnage, lui permettant de partir en ayant complétée sa vie correctement (Downton honoré d’une visite royale, la brouille avec Lady Bagshaw réglée, la succession assurée avec Mary et Tom).
Mais ce film apporte également son lot de nouveaux personnages. Passons rapidement sur la famille royale et leurs domestiques. Ils remplissent leurs rôles convenablement et sont au centre de plusieurs scènes (pouvant être aussi touchantes que drôle d’ailleurs). Lady Bagshaw est assez intéressante à suivre (et bien entendu parfaitement castée et interprétée) mais sort un peu de nulle part. Quand à sa femme de chambre… Bon on va juste dire que ce n’est pas le personnage le plus intéressant de la série et que son côté « oie blanche » n’est pas sans rappeler Lavinia (pas la comparaison la plus flatteuse). Au final les intrigues qui gravitent autour d’elle sont plus intéressante qu’elle-même (mais après tout c’était déjà plus ou moins le cas de Mattew lui-même). Enfin Richard Ellis, le valet royal, dont il est difficile de parler sans spoiler. Disons jusqu’il est immédiatement sympathique. Peut-être un peu trop d’ailleurs, il aurait gagné à faire planer au dessus de lui un peu plus de mystère. Enfin notons qu’un plombier échappé d’un film porno passe à un moment. Ça ne dure pas longtemps mais sa seule présence est hilarante.
Passons à la question technique. Et c’est probablement là que reviens le plus grand mérite du film. Alors oui, il n’y a pas de génie dans la mise en scène. Mais le réalisateur a eu l’intelligence de ne pas juste reprendre la manière de filmer de la série. Malgré les six saisons, le film nous montre cette maison comme elle ne nous avait encore jamais été montrée. Rien que les plans large sur Downton Abbey vu de l’extérieur suffisent à nous faire cette impression. En somme si l’on prend une scène du film au hasard, il est impossible de la faire passer pour une scène de la série. Je laisse les spécialistes juger le résultat mais pour moi le réalisateur a prouvé qu’il pouvait être à la hauteur de ses ambitions.
Alors au final Downton Abbey ça vaut quoi ?
Difficile à dire. J’aimerai presque regarder le film avec quelqu’un qui ne connait rien de la série pour avoir ses réactions. Mais en tant que fan je suis obligé d’admettre que je ne suis pas objectif. Une septième saison m’aurai plus comblé je pense. Mais rien que les trois notes du thème principal lors de l’apparition des logos des producteurs ont suffi à me rendre heureux d’avoir fait le déplacement jusqu’au cinéma (et même d’y être retourné). Et comment décrire mon émotion lors de la première apparition de la maison, lorsque les personnages arrivent les uns après les autres, lorsque je me rends compte que le montage des premières scènes fait échos à celui des toutes premières scènes de la série ? Alors oui Downton Abbey le film est un énorme morceau de fan service. Mais il ne se contente pas de ça et recherche la qualité. Et surtout, je suis un fan.
Ce film ne conclu pas la série (il y a déjà le dernier épisode pour ça). Il n’ouvre pas non plus forcément sur une suite. Il se contente d’être, de continuer à nous montrer une tranche de la vie des Crawley. Et c’est cela qu’on demande à Downton Abbey.