Redécouverte de Ed Wood dont j'avais un très bon souvenir. A le revoir, je crois que je l'ai encore plus aimé que la première fois, et ça doit être l'un de mes Tim Burton préféré.
C'est un film sur Ed Wood :
Bon, il faut quand même ajouter l'idée du film au crédit des scénaristes Scott Alexander et Larry Karaszewski, qui s'étaient lancés à l'époque sur l'écriture de biopics de gens assez hors-normes, puisque s'en suivra Larry Flint, puis Man on the Moon. Du reste, les films parlant de l'histoire du cinéma et des réalisateurs était une chose assez rare à l'époque, et partir de celle du "plus mauvais réalisateur d'Hollywood" était assez culotté.
Alors évidemment, le personnage fait un peu tout : sa façon d'avoir des idées absurdes, son enthousiasme à se lancer dans des projets débiles, le côté "mec qui adore faire du bricolage mais n'a aucun talent" est une usine à gag et à moment hallucinants. Certes, il est parfois pathétique, notamment dans les moments où il force mais il y a toujours un truc divertissant à mater ce bazar.
Ha, et on est sur l'époque où Johnny Depp ne s'était pas engoncé dans un genre de jeu. Il est très bien en jeune réalisateur plein d'entrain et assez éloigné des rôles que Burton lui demandera de jouer.
C'est un film sur Tim Burton :
Après, que Burton ai choisi de réaliser ce film, c'est sans doute pas un hasard, tant il s'identifie grave à Ed Wood. Déjà, parce qu'Ed Wood était un réalisateur de "genre" et qu'il aimait la SF, le fantastique, le gothique. Mais aussi parce que comme Wood, Burton aime s'entourer des même gens (ce qui va lui être reproché) il aime les effets un peu chelou, il est complètement excentrique, il a entretenu un rapport d'amitié avec une vieille gloire des films d'horreur (Lugosi pour Wood, Vincent Price pour Burton) et sa vision cinématographique est incomprise...
Enfin, incompris, incompris.... c'est ce qui est marrant, c'est qu'au final, Burton le réalise au sommet de sa carrière. On est loin des tâtonnements du début dans lesquels, tel Ed Wood, les executifs ne savaient pas trop quoi faire avec ses films, et de la décrépitude de la fin, où tel Ed Wood, les films de Burton sont considérés comme kitsch et "trop perché sur le même truc." Ironie du sort, c'est l'un des plus gros flop de Burton, le film ayant créé un trou de 12 millions... ce qui est plus que toutes les dettes d'Ed Wood combinées.
D'ailleurs, c'est l'un des films les plus "sobre" de Burton. Alors, oui, on retrouve sa patte par moment, mais c'est vraiment rare (une scène de train fantome par-ci, quelques plans par là) et celui-ci est bien plus concentré sur l'envie de rendre hommage à son cinéma préféré (la Hammer, les serials, le premier Dracula, etc... ) qu'il est beaucoup moins bouffé par les gimmicks. Burton a bien fait de se battre pour que le film soit en noir et blanc : entre l'utilisation du clair obscur, des jeux d'ombres, et quelques gags (notamment sur le fait que le chef op d'Ed Wood soit daltonien... comme le spectateur) le film met bien en avant son propos. Même le fait d'avoir Howard Shore à la musique et non Danny Elfman l'empêche quelque peu de partir sur du déjà vu.
C'est un film sur Bela Lugosi
A revoir le film, j'avais oublié à quel point le personnage de Bela Lugosi, planté par Martin Landau prenait de la place dans le film. Landau est excellent dans cette vieille gloire du cinéma, acariâtre mais touchante et il a franchement réussi sa métamorphose. Alors, ok, Lugosi était moins colérique (et il s'entendait bien avec Boris Karlof en fait) et moins pathétique, mais on a vraiment pitié pour cette vieille gloire du cinéma qui peine à remonter sur scène.
Bon, Landau en profite pour sa fille, Juliet Landau dans un rôle assez drôle... C'est dommage qu'on ne la voit plus elle, elle avait une présence ne serait-ce que dans la série Buffy qui était incroyable.
C'est un film sur les freaks du cinéma :
Après, le casting est juste excellent et ressort des têtes qu'on avait pas l'habitude de voir dans ce genre de rôle.
Ainsi, Bill Murray semble à un moment jouer un personnage qui semble être dans un film totalement différent et dont les aventures ont lieu en parallèle à celles d'Ed Wood. Ce qui est en parti bâtit sur un fond de vérité, jetez un coup d'oeil à la vie de Bunny Breckinridge c'est juste incroyable. (Jeffrey Jones est pas mal en Criswell aussi, encore un gars dont la vie est juste improbable.)
Le film est un festival, d'acteurs et d'actrices qui rétrospectivement auront eu des rôles marquant : On a Sarah Jessica Parker, qui n'était pas encore dans le rôle de Carrie Bradshaw dans lequel elle allait s'engoncer (dommage que le film soit assez méchant avec Dolores, qui apparemment dans la vraie vie était bien plus gentille que ça) puis Patricia Arquette. Et au détour d'une scène, bim, Vincent D'onofrio impeccable sosie d'Orson Welles. (Après il s'est fait aidé par le mec qui double Cortex dans les Animaniacs)
A noter qu'on a le rôle le plus important de Lisa Marie (ex-fiancée de Tim Burton) dans toute la carrière de son ex-copain. (Purée, qui reste fiancé pendant 8 ans en dehors des bds Disney ?) Ici elle joue une Vampira assez réelle et convaincante. Ce qui est intéressant, puisqu'après, Burton ne lui donnera que des rôles muets ou assez figuratif.
C'est un film sur tous les losers du cinéma.
En réalité, c'est étrange à quel point ce film est un anti Disaster Artist (alors que le film est sorti des années après.) On est très loin du "mauvais réalisateur" qui l'est parce que celui-ci est tyrannique, qu'il n'a aucune vision et parce que son équipe technique l'a laché à tout bout de champs. A vrai dire à part une obsession commune pour Citizen Kane, Tommy Wiseau et Ed Wood n'ont rien en commun.
A la vue de ce film, ma copine était assez gavée sur le côté "gros forceur" du gars, surtout qu'on sortait du visionnage du film Le Fondateur. Mais à le revoir et à lire les fiches wikipédia des différents acteurs... les gens aimaient vraiment Ed Wood : le mec était vraiment gentil, passionné et traitait très bien son casting. (Trop bien limite, vu qu'il ne revenait pas sur des prises qui apparemment étaient mauvaises.)
Et en cela qu'Ed Wood est communicatif : c'est un film sur la passion du cinéma, sur l'envie de créer, même si on se plante. Par contre, mieux vaut ne pas trop se pencher sur la vie d'Ed Wood APRÈS Plan 9 from outer Space (notamment des histoires de films pornos et d'alcoolisme..) Hélas.