La caste des meta-phores mystiques

Scénario :

C'est Jodorowsky qui a décidé de tourner un western avec Jodorowsky, écrit par Jodorowsky et réalisé par Jodorowsky. On y voit Jodorowsky qui se balade avec un enfant nu sur un cheval, se balade au milieu des massacres, s'enfuit avec une femme qu'il a sauvé des griffes d'un méchant colonel qui la violait... pour la violer (pour de vrai ?) dans le désert afin qu'elle puisse trouver des oeufs dans le sable. Investi de ce nouveau pouvoir, elle lui demande de tuer un homme avec une voix de femme pendant qu'elle roule des pelles à une femme avec une voix d'homme. Et puis après il tue du monde, brûle des lapins, joue de la flute, se fait crucifier à coup de flingue et se retrouve vingt ans dans une grotte qui...

Quoi, c'est décousu ? Je m'excuse, je l'ai regardé sobre. Rajoutez des scènes choquantes gratuites et des métaphores religieuses partout et grosso-modo, c'est ça.


Ce film fait partie de mon "rattrapage culturel" version "un réalisateur = un film"

En tant que sujet d'étude :

El Topo est le film j'ai pris afin d'étudier le cinéma de Jodorow.... Jodo. Auteur que je ne connaissais que pour ses nombreuses bandes dessinées.

En bd, la patte Jodo est tout aussi reconnaissable que le type est barré : des histoires avec une forte symbolique mystique, se passant dans un univers de SF/Western/Heroic Fantasy, et avec du cul, de la violence gratuite et de la provoc chelou. Et des mots compliqués et des jurons rigolos (Paléo-pute, bio-merde, etc...)

Le mec est connu aussi pour être ce genre de timbré à la Dali, qu'on aime beaucoup mais qui raconte plein de trucs dont on sait pas si c'est vrai, s'il cherche à se faire mousser, parce qu'il est empli par une transe mystique ou par une remonté d'acide. Je me souviens d'une vidéo de lui en train de parler du financement participatif complètement à poil, avec sa zigounette de vieillard de 70 ans en train de balotter pendant qu'il parlait. Ou d'une interview où il revenait sans arrêt à la beauté de la relation incestueuse qu'il avait avec sa soeur.

Ainsi, les commentaires du film sont encore plus abscon que le film lui même. Et concernant El Topo Jodo affirme tout un tas de trucs complètement barrés, dont certains lui vaudront limite la prison ("alors, j'ai violé mon actrice principale et c'est vraiment ça ce que vous voyez dans le film") (Apparemment, selon un de mes lecteurs ça aurait été juste la frapper et déchirer ses vêtements par surprise.)

Si on est assez vague sur le tournage du film, on en sait plus sur ses retombés : le film est passé inaperçu, avant de créer la vague des Midnight Screening : des projections de films chelous, tard le soir, pour un public averti (et peut-être un peu dans un état second.) Le film a beaucoup plus à John Lennon qui financera le prochain film de Jodo. (Au passage, faudrait qu'on se penche sur la période où les stars de la chansons étaient des mécènes du cinéma : ce sont les Pink Floyd qui ont financés Monty Python Sacré Graal et Georges Harrisson qui a financé La Vie de Brian.)

Après, techniquement, OUI, le film est barré et aligne beaucoup d'idée sans arrêt, dont pas mal d'idées de mise en scène sympa, tout en assumant certains passages un poil gore ( La deuxième scène voit El Topo et son fils se balader au milieu d'un village d'où les habitants, hommes, femmes, enfants et animaux ont été massacrés et on voit les tripes à l'air. Ha, et El Topo demande à son fils de 6 ans d'achever un des hommes.) Mais le tout est tellement noyé dans le chelou et le grand-guignolesque qu'au final, c'est vraiment pas ce que l'on retiens du film.


Mon avis personnel :

Mon avis, c'est surtout que c'est parce que c'est original que c'est forcément bien.


Un truc m'énerve en ce moment, c'est une espèce de prétention du cinéma à se vouloir meilleur que la bd. Ces derniers temps suite à la sortie du documentaire sur son Dune avorté, on a beaucoup reparlé de Jodo : ses premiers films, les midnight movie, etc... mais personne n'à vraiment évoqué sa carrière d'auteur de bd. A commencé par Jodo lui même qui clame partout qu'il a toujours été passionné par une seule chose : le cinéma. C'est triste, sa carrière de scénariste, pourtant ultra-prolifique a accouché d'oeuvres bien mieux structurées que la bouillie d'idées que je viens de voir.

Non parce que El Topo c'est un brouillon. C'est peut-être pour ça que les gens adorent, vu que les brouillons c'est décousu et donc original... mais on sent clairement que Jodo ne savait vraiment ou il allait et que des trucs ont été trouvés à l'arrache ou sous l'effet de la drogue : "alors le premier maître mystique c'est un homme avec une voix de femme et il a deux serviteur :un sans bras et un sans jambes. Et il arrête les balles parce qu'il dit accepter leur réalité, sauf que El Topo il réussit à le vaincre en creusant un trou et du coup, ça le rend plus du tout immunisé aux balles."


On sent aussi que Jodo quittait une idée pour aller à une autre : le film est structuré comme s'il s'agissait de 3 moyen métrages mis bout à bout. Et dont les deux premiers sont vachement brouillon et dégoulines de symbole mystiques qui semblent être la pour faire joli. (Et dire qu'on a reproché ça a Evangelion.)

Vraiment, au bout d'un moment à force de sortir symbolisme sur symbolisme, le film lasse un peu et à moins d'être drogué, dans la tête de Jodo (ou les deux) on a un peu de mal avec l'absence d'intérêt du film, surtout quand celui-ci consiste à voir Jodo en train d'affronter des braves types ( les fameux "Maitre du désert" sont 100 fois plus attachants et originaux que le protagoniste principal) et à les massacrer pour coucher avec une femme dont on voit à 100km qu'elle est une métaphore de la tentatrice.

Et puis arrive la dernière partie, où El Topo entame sa rédemption et décide d'aider une communauté d'hommes vivants dans une grotte (Insérer une référence à Platon ici.) Si celle ci met plus de temps à se développer, elle est bien plus structurée, avec un véritable enjeux et des personnages qu'on a envie de suivre. Alors, certes, elle est moins originale que le début du film (et encore) cette dernière partie m'à réveillé au point que je me suis demandé si on était toujours dans le même film. J'ai l'impression que Jodo a appris à la fin de son film à écrire un scénario cohérent et la réalisation se calme aussi avec les effets de manche et redevient bien plus lisible.


El Topo, à mes yeux, se résume à cela : Une première partie remplie de délire brouillon, certes divertissante mais relativement obscure et assumant un côté "mystique" un peu saoulant / Une deuxième partie vraiment sympathique avec des vrais enjeux.

le-mad-dog
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le 5 avr. 2023

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Mad Dog

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