Désir meurtrier
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le 26 mai 2016
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Après dix ans d'absence, Paul Verhoeven revient avec son premier film français. Il s'agit de l'adaptation du roman Oh.... de Philippe Djian paru en 2012. L'oeuvre a été saluée à Cannes par la critique, elle est maintenant entre les mains des spectateurs et on va pouvoir se faire sa propre opinion.
L'écran est noir, on entend les cris d'une femme et des bris de verre, puis un sublime chat fait son apparition. Ses yeux fixent l'endroit d'où provient les bruits de lutte. Une femme apparaît allongée sur le sol, son haut est déchiré, ses cuisses sont recouvertes de sang. Nous venons de faire notre entrée dans la demeure de Michèle (Isabelle Huppert). Elle vient de se faire agresser et violer par un homme au visage masqué. Une scène d'une immense violence, nous mettant mal à l'aise. Michèle nettoie la pièce, puis prend un bain. Elle est étonnamment calme, à croire que tout ceci était une mise en scène, la réalisation d'un fantasme. On va découvrir petit à petit cette femme et les raisons qui la pousse à agir de cette manière.
Elle gère sa vie selon ses désirs. Après un traumatisme vécu durant son enfance, elle a su se construire une famille et devenir la patronne d'une boite de développement de jeux vidéo. C'est une femme de caractère, vivant seule dans sa demeure. Son ex-mari Richard (Charles Berling) est un écrivain fauché, tentant de l'oublier dans les bras d'une jeune femme Hélène (Vimala Pons). Son fils Vincent (Jonas Bloquet) se perd dans une relation conflictuelle avec Josie (Alice Isaaz) alors que sa mère Irène (Judith Magre) s'amuse avec un jeune homme Ralf (Raphael Lenglet). Les femmes ont le pouvoir et joue avec ces hommes. Les rapports sont malsains et violents. Cela ressemble à une toile d'araignée où des liens se nouent aussi avec ceux qui les côtoient pour le pire et rarement le meilleur.
Ce n'est pas seulement un thriller psychologique, mais aussi une étude des mœurs de la bourgeoisie tel que les affectionner Claude Chabrol. Une famille où le vernis grince sans retenu et va se fissurer pour notre plus grand bonheur. Aussi surprenant que cela puisse paraître, on va s'amuser devant les réactions et propos de Michèle. Les dialogues sont un régal, tout comme l'immense performance d'Isabelle Huppert. Son détachement lui permet d'asséner ses vérités, sans prendre la peine de les enrober pour éviter de blesser ses divers interlocuteurs. Elle s'exprime merveilleusement lors des repas avec ses amis, où face à ses amants. Le summum est atteint lors d'un repas de noël avec la présence des divers protagonistes de l'histoire. C'est une occasion rêvée de se jouer de chacun, comme si pour elle, la vie était une immense partie d'échec dont les hommes en sont les pions. Mais derrière ce jeu pervers, on oublie pas sa traque pour démasquer son agresseur. C'est le fil rouge de l'histoire, celui qui va mener à une relation tordue.
Le poids du passé et ses conséquences sur une enfant devenue une femme. On est sous le charme de Michèle, un personnage ambigu. Elle est forte et démontre qu'elle peut toujours être séduisante malgré le temps qui passe. On constate souvent qu'à partir d'un certain âge, les actrices trouvent moins de rôles. Le cinéma préfère les jeunes femmes, mais ce film prouve qu'elles sont toujours sublimes et talentueuses. Isabelle Huppert est une femme, une mère, mais aussi une grand-mère, ce qui ne l'empêche pas de continuer à assouvir ses désirs. Elle envoûte ceux qui croisent son regard, de même que son amie Anna (Anne Consigny). Elle s'est construite une carapace où rien ne semble pouvoir l'ébranler. Son personnage est fort, résolument moderne et complexe. C'est une sorte de veuve noire, au charme vénéneux. Le spectateur est séduit et va être en empathie avec elle. L'oeuvre est intense et chaque moment de violence est vécu difficilement. Elle n'est pas seulement physique, mais aussi psychologique.
Paul Verhoeven aime mettre en scène des femmes de caractère. On n'oublie pas son Basic Instinct qui allait faire de Sharon Stone une star internationale. Il a trouvé dans le roman de Philippe Djian, une nouvelle héroïne manipulatrice à la sexualité débridée. Sa réalisation se joue du spectateur, en le déroutant par sa violence, son humour noir et ce portrait d'une femme bien sous tout rapports consentis où pas. On ressent diverses émotions, on est secoué dans tout les sens, en passant du rire à l'angoisse. C'est un savoureux mélange inattendu pour une oeuvre sortant du lot. Il est à l'image d'Isabelle Huppert, belle, troublante et envoûtante.
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Créée
le 26 mai 2016
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