Film de charlots fort en gueule, English Revolution est une arnaque extrêmement astucieuse et probablement efficace, se donnant un bon potentiel d'évolution. Après Kill List puis Touristes et avant la relecture de Ballard (monsieur Crash) via High-Rise, Ben Wheatley compose un nouvel attrape-gogo de haut niveau. English Revolution est au fond un banal trip sous champis doté d'un arrière-plan historique (la Révolution anglaise des années 1640), étirant sèchement et goulûment ses pauvres arguments. Avec pour seules armes l'entretien de la confusion et une sophistication presque sans matière (enjeux, scénario, univers), Wheatley opte pour la mystification radicale bien qu'insouciante pour marquer le maximum de points et donner l'illusion de fabriquer quelque chose de grand ou d'inédit.
Au menu pour épicer : bavardages perchés aux champs grisés. Les laïus impénétrables ou décousus pleuvent régulièrement pour garder le spectateur (surtout s'il demande trop de concret) à flot et relancer ses spéculations les plus folles. Les fatras religieux sont mis à profit, sans doute pour être 'interrogés' (allons-y c'est gratuit ; pour une approche 'réflexive' serait pas mal aussi), avec une connivence manifeste pour les égarements païens et les délires de druides. Wheatley est un malin et un agitateur avisé (auteur de vidéos virales au départ), c'est aussi manifestement un obsédé des religions et surtout des rites peu courants ou révolus (tout comme Pascal Laugier est un obsédé des projets occultes et des recherches de 'la cause profonde'). L'important c'est les gestes lourds et l'opacité, le génie ce serait de les mêler avec des objections improbables tout le long de la séance.
C'est donc la fête du scato 'raffiné', des discussions de poivrots amphigouriques et en costumes. Voilà l'heure aussi de revisiter l'Histoire sous un angle potache et progressiste, ce qui ne signifie pas, du moins intentionnellement, 'la refaire' (autre ambition, bien plombante en général). Surgit alors une perspective contemporaine, vulgaire dans les mots, inconsistante mais criardes par ses réflexions à la façon d'un laboratoire d'idées livré à des barbares, puis surtout maniérée dans la forme. Tout ce programme repose sur une structure originale, toute en expectative simulée, avec vues impressionnistes en filtres colorisés, noir et blanc pour l'ensemble, effets tapageurs et ambigus (ralentis lyriques 'ironiques', flash et passages au stroboscope). Les séquences 'creepy' transparent s'accumulent discrètement pendant les deux tiers, massivement ensuite.
Quelques fixettes (ajoutées au jargon) donnent au film un aspect liturgique puissant et très subjectif (façon bâtard paumé de Begotten, ou poseur de La Montagne Sacrée). Cela concerne l'astre noir mais aussi le traitement des humains, via les plans sur la bouche ou ceux tambourinant la tronche devenue amorphe de Michael Smiley. Au milieu des cris, de l'agitation et des zooms béats, se dresse une seule direction et finalité : la mort violente des personnages, dérouillés par un autre. Les tueries se chargent de simuler la crise et l'intensité, lorsque le réservoir de gadgets est bouché. Avec le sinistrisme appliqué au cinéma, cette farce sans panache sur-jouant (avec une intelligence dévoyée, ou un opportunisme très sale) sa pauvre excentricité pourra passer pour un chef-d’œuvre incompris après quelques années, ou plus sûrement devenir l'objet d'un 'culte' marginal. Elle apparaît comme la version psychédélique oklm mais masquant son apocalypse de ce qui sera Il est difficile d'être un Dieu, sans la charge 'idéologique' nette toutefois.
https://zogarok.wordpress.com/2016/08/31/english-revolution/