L’autre jour, un collègue de travail me racontait avoir visité une exposition d’art contemporain, en m’avouant sa petite honte de ne pas être sûr d’avoir tout compris. Une nouvelle fois, il me fallut rappeler qu’une œuvre d’art, quelle que soit sa forme, n’a pas forcément besoin d’être comprise.
Une oeuvre d’art n’est pas un cours, un notice ou un discours. Et si elle peut -si elle doit- nous faire mieux comprendre le monde qui nous entoure, c’est toujours à travers un filtre, esthétique, émotionnel, et pourquoi pas technique.
-In my eyes, indisposed
In disguise as no one knows-
Ainsi, on peut aimer un tout pour la somme de ses parties. C’est le cas, pour moi, de ce "a field in England". Comment ne pas s’émouvoir devant la qualité de cette photo et de noir et blanc classieux ? (oui, je sais, sans grain, mais, pourquoi pas ?) Comment ne pas trouver le travail sur le son ahurissant ? Comment ne pas bicher ces costumes qui semblent réellement tout droit sortis de l’époque qu’ils sont sensés illustrer ? Comment ne pas être charmé par ces dialogues rapides, fusant comme des lignes de Shakespeare sous acide, nous donnant l’impression de contempler une joute de punks-des-champs des siècles passés ? S’il y a du Lynch chez ce réalisateur anglais, ce n’est pas tant pour sa séquence stroboscopique, mais plus par le côté drôle de ses moments les plus étranges.
En effet, sans sourire aux poses immobiles incompréhensibles des protagonistes, sans s’esclaffer devant la chanson du bidasse qui déteste sa femme (mais pas la sœur de celle-ci), comment adhérer à ce film ?
-Hides the face, lies the snake
The sun in my disgrace-
Ben Wheatley aime depuis ses débuts brouiller les codes. Son "Kill List" se révélait être un polar fantastique drôlement social. "Touristes" une comédie totalement grinçante et esthétique.
Cette fois encore, le propos est protéiforme. Une fable sur la guerre ? Un tableau social doublé d’une vision de l’ésotérisme à l’époque moderne ? Une comédie potache ? Un traité sur la flore anglaise ? Un manifeste anti-irlandais ? Une ode aux stupéfiants antiques ?
Un peu tout ça à la fois, bien entendu, et c’est ce qui fait le plaisir, si tant est qu’on y soir sensible, de l’expérience
(même si, je vous l’accorde volontiers, l’ensemble manque cruellement de présence féminine).
-Hang my head, drown my fear
Till you all just disappear-
A travers le miroir déformant de cristallomancie , un regard trouble sur une époque qui ne l’était pas moins, infiniment plus réaliste que nombre de tentatives «sérieuses», qui montre que ce ne sont pas nécessairement les plus courageux ou retors qui survivent, et que, quelque soit la position sociale ou le rapport de force régissant les uns et les autres, le bout du chemin est implacablement le même, pour tous.
A l’instar du livre qu’aurait voulu écrire un des personnage, une façon comme une autre de souligner notre insignifiance: «un champs en Angleterre, ou les mentions multiples du charançon ordinaire».
-Black hole sun
Won't you come
Won't you come-