Qu'est-ce qu'on fait quand on n'a pas encore une thune et qu'on s'appelle David Lynch ? Ben on fait un film complètement barré, en noir et blanc, avec du bruit plus que de la musique dedans à cause des droits d'auteur, un casting relativement limité et des effets spéciaux souvent malins, parfois minimalistes...
Et en plus ça marche ! En partie en tout cas... Parce que bon, cette intro "tête du héros à la coupe du futur sur fond planétaire" s'avère déjà extrêmement chelou, et pas forcément du plus bel effet... Mais au moins, c'est cohérent, puisque des aliens finiront par sortir de sa bouche pendant qu'un être d'apparence humaine - mais au dermato douteux - assis derrière sa fenêtre, semble tirer les leviers comme un dieu ses ficelles. Ceci dit, le réalisateur se rattrapera très vite en proposant de jolis plans du héros traversant la cité industrielle qu'il habite, le perdant au fin fond de cette immensité déshumanisée... L'homme a peur. Et ça se voit dans ses yeux.
Nous découvrirons par la suite l'intimité d'un chez-lui coquet, où sur un édredon une plante nue se dresse mollement depuis un monticule de terre. Pas de pot, mais une chouette idée. Cette plante semblant plus libre que lui dans cet appartement où les fenêtres apparaissent emmurées. Mais cet homme n'est pas seul : une jolie voisine lui fait du gringue et, surtout, sa petite amie le présente à ses parents, dont sa mère qui ne se montrera pas trop chaude au sujet de cette union, mais un peu plus au sujet de la leur... Il faut dire qu'ils ont l'air de bien se faire chier dans la famille, en dehors des repas où les cailles pissent le sang... Métaphore ? Il semblerait - ou pas - puisqu'on attend un heureux évènement et que notre invité saigne du nez...
Et ce bébé, c'est quelque chose ! Je n'en dirai pas plus, mais il sera la réelle attraction du film. La métaphore continuera donc. La métaphore de l'homme angoissé à l'idée de devenir père. Et si on s'ennuyait un peu au début, David Lynch pourra désormais laisser libre cours à ses délires et à un wtf des plus extrêmes, avec en point d'orgue l'explication du titre du film lorsque "l'effaceur de tête" en fera des effaceurs de mots... En même temps, la paternité c'est pas simple, ça chie, ça chiale, ça braille, c'est malade, ça a peur d'être seul, et en plus ça finit par se foutre de ta gueule. Aussi, quand y en a un, c'est qu'il peut y en avoir d'autres : un cauchemar dont il faudrait se défaire... Jusqu'au paradis de la violente naïveté de la femme castor ? Ou celui d'un apaisant petit bain au creux des bras de la voisine ?
L'homme devient l'enfant, et l'enfant devient l'homme, jusqu'à en perdre la tête. Et nous, on hallucine ! Et on se marre ! Mais lorsque le démiurge souhaite arrêter le processus, on se dit que quand même, ça manque un peu d'émotions cette affaire. Evidemment, le cinéma de David Lynch se veut d'abord intellectuel et psychologique, ce qu'il démontre ici parfaitement, mais moi il me manque quand même un truc, et plus de rythme aussi.
Les débuts aussi improbables que virtuoses d'un génie qui saura très vite rectifier le tir pour accoucher de véritables COCNI (chefs-d'oeuvre cinématographiques non identifiés).
7,5/10