À l’époque d’Hugo Cabret, Martin Scorsese s’est intéressé au récent cinéma britannique en général et à Kill list en particulier, s’amourachant alors de Ben Wheatley. De leur union, six ans plus tard, est né ce Free fire que Scorsese produit avec l’énergie et l’amour du cinéma qu’on lui connaît. Le pitch est simple : une vente d’armes dans un entrepôt tourne (évidemment) à l’affrontement général, et ce jusqu’à ce que mort s’ensuive. Avec sa parfaite unité de lieu, de temps et d’action, Wheatley s’amuse à étirer, sur plus d’une heure, un gunfight aux allures de survival seventies, quelque part entre Guy Ritchie, Quentin Tarantino et Sam Peckinpah (cherchez l’intrus).
Très vite ça geint, ça râle, ça agonise (pas mal), ça rampe (beaucoup), ça saigne (énormément). La partie de tirs se transforme peu à peu en jeu de massacre, puis en boucherie. Avec son méga casting de noms et de gueules (après celui d’High-rise, puisque tout le monde semble désormais vouloir tourner avec Wheatley), Free fire a tout du film fun et cool ; oui parce que regarder mourir lentement des gens sur fond de punchlines et de John Denver, c’est cool. On n’est pas dans Funny games ici, on ne théorise rien, on s’abreuve de violence décontractée et poilante qui, justement, rendrait Michael Haneke complètement dingue (le moindre coup de feu prenant chez lui une dimension terrible, quasi métaphysique, tels ceux de 71 fragments d’une chronologie du hasard, de Funny games ou du Temps du loup).
On regrettera tout de même que Wheatley n’ait pas voulu aller plus loin dans cette espèce de micmac conceptuel (il y avait de quoi faire) et dans la folie furieuse (il y avait vraiment de quoi faire), limitant son film à une sympathique tarantinade alors qu’il avait la possibilité de mettre en scène un truc coriace à la McTiernan (ou à la Nid de guêpes, le polar magnifique de Florent Emilio Siri). C’est entendu : l’exercice de style ne révolutionnera rien (contrairement à Touristes ou à A field in England, nettement plus ambitieux et convaincants), et tout reste anecdotique, et tout sera oublié, mais quand il est fait avec un certain panache, autant ne pas bouder son (petit) plaisir.
Article sur SEUIL CRITIQUE(S)