Mon rapport avec le cinéma de Ben Wheatley est assez violent. Depuis le prometteur Kill List, il ne cesse de me décevoir. Pourtant, je continue de voir ses films, tout en me disant que c'est la dernière fois. C'est un peu comme une ex, on y retourne alors que l'on sait que cela va mal se passer, mais on veut notre minute de plaisir.
Touristes était ma première déconvenue, mais rien de bien grave, on a tous droit à l'erreur. Puis English Revolution débarqua et ce fût l'une des pires séances de ma vie. C'était comme prendre un énorme crachat dans ma face, cela en était fini entre nous. Mais voilà, il faut reconnaître que le gars a du talent dans ses mains et que High-Rise était séduisant, du moins en apparence. Ce fût une nouvelle déception. Le temps était venu de se quitter en bons termes, mais il dégaina un casting intéressant pour Free Fire avec le soutien de Martin Scorsese à la production. Malgré ma rancune, je pris sur moi de tenter l'aventure et ce fût une excellente surprise. Certes, le film ne restera pas dans les annales, mais il est foutrement jouissif grâce à son humour noir et l'incroyable stupidité de ses personnages.
La trame est des plus simpliste : il s'agit d'une vente d'armes qui dérape dans un entrepôt et les deux camps vont se mettre à se tirer dessus, jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un. C'est donc un huis-clos, un genre que j'affectionne, mais qui peut avoir ses limites en se retrouvant dans de mauvaises mains. Avant que cette bande de pieds nickelés se mettent à défourailler comme dans Heat, mais avec beaucoup moins de précision, on va nous faire une brève présentation. En utilisant le terme "Pieds Nickelés", vous avez bien compris que nous ne sommes pas en présence de prix Nobel et encore moins de la paix. Comme ils sont nombreux et pour ne pas trop gâcher le plaisir de ceux qui lisent ce billet avant de voir le film (ce qui est une énorme erreur de votre part), je vais juste me permettre de dire que Vernon (Sharlto Copley) est un cran au-dessus de la mêlée, non pas que le personnage soit le plus intéressant, mais c'est l'homme au costard susceptible avec un effroyable accent. A tout moment, on s'attend à ce que ses fils se touchent, sauf qu'ils se touchent constamment et pourtant, il ne sera pas l'étincelle qui mettra le feu à la gâchette.
C'est l'humour noir qui est jouissif. Avant que cela parte en couilles, on se délecte de leurs échanges sentant bon la testostérone. On est dans un concours de bites (pardon), avec une horde de mâles voulant démontrer à Justine (Brie Larson) qu'il a la plus grosse. Mais ils n'oublient pas aussi qu'il y a des armes et des dollars en jeu. On va s'amuser de leurs répliques et cela va continuer durant les échanges d'amabilité à base de tirs sous la ceinture. On retiendra le "je ne suis pas mort, je récupère" de la part d'un zombie provenant d'un film de George A. Romero. L'immense stupidité entraperçue de la plupart des personnages, se fait aussi ressentir dans leur incapacité à réfléchir puis à tirer. Vous l'aurez bien compris, ils font l'inverse mais pas vraiment. Ils tirent puis ils tirent à nouveau puis ils continuent de tirer et enfin, ils tirent. On a tout de même des répliques et réactions dû à la souffrance pour ne pas avoir juste des tirs, du sang et un gros bordel. Car même si le sujet est maîtrisé, Ben Wheatley nous perd parfois et on ne sait plus qui tire sur qui, ce qui est finalement assez normal, vu qu'eux-même ne savent plus ou ils en sont et s’emmêlent les tirs se transformant en des dommages collatéraux.
De la confusion né le chaos. En dehors de son indéniable sens de la mise en scène,Ben Wheatley sait aussi tirer le meilleur de ses interprètes et continue de s'appuyer sur le talentueux Michael Smiley. Le comédien est toujours impeccable devant sa caméra, c'est une valeur sure sur lequel il peut compter. Mais là ou il est très fort, c'est qu'il rend Sharlto Copley, excellent. L'acteur n'est pas vraiment connu pour ses qualités de comédien. Il est souvent cantonné à des rôles physiques, mais en mettant ses défauts au service d'un personnage des plus stupide, cela lui permet de sortir le meilleur de lui-même. Il va en faire de même avec Armie Hammer, Sam Riley, Jack Reynor et même Cillian Murphy, qui n'est pas agaçant, ce qui est une immense performance de sa part. Au milieu de cette meute de décérébrés en liberté, Brie Larson se fait discrète. Elle prend la température de l'entrepôt, avant de se lancer dans la bataille en rampant. Non, ce n'est pas une technique, c'est juste qu'ils vont tous finir par se déplacer de cette manière car plusieurs balles finissent leurs courses sous leurs ceintures respectives.
C'est simple, mais jouissif. Cela ressemble à Shoot'Em Up, mais sans son côté cartoonesque. On reste tout de même dans un certain réalisme. Le film est efficace et en cette période caniculaire, il est parfait pour nos neurones tournant au ralenti, tout en nous permettant de profiter de la climatisation.