Un film de David Fincher est toujours un événement, ses qualités de metteur en scène ne sont plus à démontrés, chacun de ses plans sont travaillés, c'est un esthète, toujours à la recherche de la perfection. Son casting était intriguant, mais il sublime tout ceux qui passent derrière sa caméra. Reste le scénario, surement son talon d'achille.
Son précédent film "Millenium : les hommes qui n'aimaient pas les femmes", était intéressant, mais pas vraiment passionnant, tout comme "The Game". Ces deux films sont les plus proches de celui-ci : une enquête, un jeu de manipulations et une femme forte. Gillian Flynn adapte elle-même son roman à succès "Les apparences", c'est son premier scénario et elle s'en sort très bien. Elle sait ou elle va et nous emmène dans des directions surprenantes et troublantes. L'ensemble étant superbement porté par la musique composé par Trent Reznor et Atticus Ross, qui s'occupent de la bande son des films de David Fincher, depuis "The Social Network".

C'est difficile de parler du film, sans spoilers, donc si vous ne l'avez pas encore vu, n'allez pas plus loin, sinon bonne lecture.

Dès le début du film, Rosamund Pike disparaît. Son mari Ben Affleck devient rapidement le principal suspect, mais c'est aussi le seul, trop facile. Il est évident, qu'il y a une feinte et elle se devine rapidement, alors que le contraire, aurait été une énorme surprise.
En parallèle de la pseudo enquête, Rosamund Pike raconte en voix off, les débuts de son histoire avec son futur mari, qu'elle a écrite dans son journal intime. On se retrouve avec deux visages différents de celui-ci, quel est le bon ? Comme elle est la victime présumée, il devient le coupable présumé, surtout que son attitude ne plaide pas en sa faveur. Au bout d'une heure, tout est remis en cause. En femme bafouée, elle a élaborée un plan machiavélique, pour faire de son mari, son meurtrier et lui faire payer son infidélité avec son élève Emily Ratajkowski. Mais pour en arriver là, il faut avoir un esprit dérangée et on va découvrir, que dans son passé, elle a déjà élaboré d'autres plans malsains envers Scott McNairy et Neil Patrick Harris.
Finalement Ben Affleck est la victime, mais Rosamund Pike est une manipulatrice très douée. Elle s'est nourrie de livres et d'émissions télévisées pour alimenter son esprit dérangé.

Ce n'est pas vraiment un film policier, c'est surtout un drame, une critique de la société américaine, de ses médias, ou la présomption d'innocence n'existe pas. La vie de Ben Affleck est jetée en pâture au public, via la télévision. Chacun de ses gestes et mots, sont décortiqués et analysés par des pseudos spécialistes, qui le sacrifie sur l'autel de l'audience à tout prix. Rosamund Pike a manipulé son monde, comme sa voisine décérébrée. Sa beauté étant un autre atout, pour mettre le public de son côté. Le titre original "Les apparences", représente très bien l'histoire ou tout, se juge sur l'image. Elle manipule son monde, mais pas le spectateur, c'est surement le principal défaut du film.
Mais comme je l'ai précisé juste au-dessus, c'est un drame, qui fait preuve d'humour noir. Les scènes entre Ben Affleck et sa sœur jumelle Carrie Coon, sont savoureuses. Souvent drôle, encore plus avec l'arrivée de Tyler Perry en avocat. Cela renforce le côté cynique du film.

David Fincher s'appuie sur un montage chirurgical, aussi froid que la lumière sombre, qui illumine ses personnages obscurs. Il fait exploser en douceur, ce couple idyllique, détruisant l'image de la beauté du mariage. D'ailleurs, la cérémonie du mariage ne sera pas mis en image, c'est l’abîme de celui-ci qui passionne le réalisateur. Il met une grosse claque au rêve américain, ou plutôt, c'est Gillian Flynn qui fait éclater le vernis avec férocité. L'association de ces deux talents est une réussite, elle a la plume pour rendre l'histoire passionnante, il a la caméra pour la sublimer visuellement.
Finalement, la disparition, puis le meurtre, n'est qu'une excuse pour pointer du doigt, ses médias et paparazzis qui détruisent des vies, appâter par l'odeur du sang et du sensationnel. Sela Ward vêtue de noire, avec son assistant dévoué, ressemble à une sorcière, à une apôtre du diable, voir le diable lui-même. Les auteurs se faisant plaisir en semant des images et réflexions, pour mieux descendre cette société de l'image, dont eux-mêmes font parti et vont offrir une pure scène de violence pour contenter le spectateur. C'est aussi brusque, que dérangeant. Le sexe et le sang ont un énorme pouvoir d'attraction sur le public. David Fincher exhibant la plastique parfaite d'Emily Ratajkowski à Ben Affleck et donc à nos yeux, un plaisir coupable.

David Fincher sait exploiter les talents de ces acteurs et Gillian Flynn lui offre des personnages de femmes fortes. Rosamund Pike est parfaite, elle rentre au panthéon des femmes manipulatrices et perverses qui illumine le cinéma aux côtés de Glenn Close, Jennifer Jason Leigh et Sharon Stone. Carrie Coon continue de briller, après sa superbe prestation dans "The Leftovers", mais la vraie surprise, c'est Kim Dickens, elle est méconnaissable. Si l'un d'elles, voir les trois ne sont pas nominées aux oscars, ce sera un scandale. Ben Affleck est en retrait par rapport à elles, il fait figure de victime et c'est bien le cas, du début à la fin. Car au final, c'est toujours Rosamund Pike qui mène la danse, devant et loin des caméras.

Malgré des incohérences et une absence de suspense, le nouveau David Fincher est un excellent millésime. En attendant son prochain film, il est temps de passer à la lecture du roman de Gillian Flynn, afin de prolonger le plaisir.
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Laurent Doe

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