Le phare dans la jungle du Slasher contemporain
Halloween 20 ans après ouvre l’ère post-moderne de Halloween. Plus de Donald Pleasance en Docteur Loomis, plus de Michael Myers partant vers le mysticisme grand-guignol. Réalisé en 1998 soit 20 ans après la sortie du film culte de Carpenter, H20 marque le retour de Jamie Lee Curtis et ignore carrément tout ce qui s’est déroulé après Hallowen 2.
La réalisation est remise à Steve Miner, auteur des deuxième et troisième opus de Vendredi 13. Sans vraiment nuancer la nullité de cette saga champêtre, ce technicien hors-pair est venu la subjuguer avec ses Meurtres en 3 dimensions [l'une des propositions les plus cash et beaufs de l'histoire du cinéma, quand même pas rien !]. Et la Miner’s touch vaut trente fois le retour de Rosenthal qui suivra sur Resurrection, car c’est tout simplement l’une des meilleures suites de Halloween, avec l’Halloween 2 qui le suivait directement et l’Halloween 2 de Rob Zombie.
La dynamique n’a plus rien à voir avec la lenteur et le vide tétanisants de l’opus modèle. Série B décomplexée, H20 est touché par la grâce. Kitsch et efficace, cette sequel se distingue par son excellente mise en scène, au point que certaines séquences restent en mémoire après-coup. On retrouve ici un plaisir similaire à celui éprouvé devant les deux premiers Scream, sortis juste avant lui et avec lesquels il a des points communs.
Et comme eux il ne s’interdit pas les clichés ni même le flirt avec la comédie. Il y a donc de ces gimmicks bâtards, comme le flic (black) souhaitant « exprimer sa créativité ». Pour autant le second degré malhonnête est inconnu de Steve Miner et il se soustrait à ce traitement graveleux et destructeur de l’horreur que Craven a malgré lui généralisé.
H20 est pince sans-rire à l’occasion et quelques facéties auraient pu être dispensées, mais si le film fonctionne à merveille c’est parce qu’il va droit vers l’horreur sans fausse pudeur et aussi, sans l’analyser pour se délecter ensuite de ses effets. L’horreur se joue, sans commentaires. Cela n’empêche pas les clins-d’œil plus ou moins en sourdine : masque de Jason et même d’un Cénobite à l’occasion de la fête en début de métrage, cameo de Janet Leigh (la Norma de la douche dans Psychose).
Et surtout, lorsque le fauve est lâché pour de bon, H20 est dans le sérieux : le lourd, au sens mélioratif. Le dernier quart-d’heure est un moment remarquable dans l’Histoire du slasher voir de l’Horreur, notamment pour les dix minutes grandioses où Jamie surmonte sa peur. La mobilisation de toute sa haine contre l’agresseur retors et jusqu’ici invincible parce que lui n’a ni limite, ni conscience. Le plan final est l’un des plus exaltants qui soit. Il marque le triomphe sur le vide sans fin.
La définition du style de H20 est donc assez complexe. Le film est assez léger, mais pugnace. Il procure plaisir et tension, généreusement ; est à la fois délicieusement désuet et trépidant comme un pur train fantôme. Il est relativement humble, lucide sur sa condition, mais va au bout de ses ambitions et ose délibérer sur son sujet, là où ses prédécesseurs ont toujours été lâches ou évasifs. Enfin il opère des choix esthétiques de bon goût (le cadre, une résidence chic et isolée dans la nature reliée à un important lycée, est excellent), mariant l’exotique et l’essence sublimée du genre.
Fait rare pour un slasher, les personnages sont réfléchis et on retrouve ici les plus travaillés et incarnés depuis l’épisode initial. Rien de fulgurant mais le portrait de cette mère névropathe et son fils otage est extrêmement réussi et seul le double remake de Rob Zombie sera aussi stimulant à ce niveau.
Accessoirement, H20 marque la restauration de la caméra subjective, amplifiant cette sensation de mobilité presque aérienne qui est le propre des péripéties de Michael Myers à leur meilleur. Globalement ce n’est sans doute pas un grand film, il flirte même avec le téléfilm ; en revanche, c’est un des slasher les plus réussis que le genre ait fourni en trois décennies. On trouve difficilement plus attachant et c’est un plaisir total, qu’on le juge coupable si c’est notre degré de réceptivité, peu importe !
http://zogarok.wordpress.com/2014/10/31/la-saga-halloween/
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