Halloween est le troisième film de Carpenter. C'est un film de série B, tourné à l'époque pour un peu plus de 300 000 dollars et qui en a rapporté plus de 40 millions. Il a été pendant longtemps le plus gros succès du cinéma indépendant américain, et il a véritablement lancé la carrière de Carpenter (que assault on precint 13 avait déjà bien poussé). Pourtant le pitch est simplissime: un tueur psychopathe élimine une par une des baby-siters dans une petite ville sans histoire le soir d'Halloween. Autour de cette idée très simple, Carpenter, va créer un film qui s'attache a reprendre des motifs liés aux contes et notamment à reprendre la figure mythique du croquemitaine. Dans son écriture, Halloween n'est rien d'autres qu'un conte sombre et sanglant à la manière de frères Grimm, mais ce que Carpenter cherche a faire, c'est lier ces motifs ensemble afin de faire resurgir une dimension fantastique dans un film qui à la base en est dépourvu. Je ne suis pas sur qu'il faille voir dans Halloween un autre message de fond que celui de ces histoires de fantômes qu'on se raconte au coin du feu pour se faire peur quand quelqu'un nous dit que le mal est là dehors et qu'il rôde. Ceux qui veulent y voir une dimension morale sont les bienvenus, mais ce n'est absolument pas mon cas.
Comme l'a démontré Wes Craven avec son formidable clin d'oeil dans Scream, Halloween est le film fondateur de ce qu'on peut appeler le slasher movie, c'est à dire que tout les films de slasher après Halloween vont désespérément essayer de lui ressembler dans ses thèmes comme dans sa forme. En faisant Halloween, Carpenter fige complètement un genre qu'il a aidé à mettre au monde (avec un film comme Black Christmas et dans une moindre mesure Massacre à la tronçonneuse). Par la suite, les différents réalisateurs qui s'essayeront au genre ne trouveront à de rares exceptions près que l'ajout d'effets sanguinolents bons marchés pour essayer de dépasser ce modèle. D'un point de vue plus large, on peut dire que Halloween, avec des films comme Psychose, Shining, Jaws ou la Nuit des Morts-vivants, définit les nouveaux codes de la peur au cinéma.
Comment Carpenter arrive-t-il à faire tout ça en un seul film?
Par l'utilisation constante de l'ambiguïté du point de vue de la caméra. La terreur dans Halloween vient de la réalisation, des mouvements d'appareils et surtout du hors-champ. Ce n'est pas anodin si le film débute en caméra subjective sur Michael Myers enfant. Alors que dans ces premiers travelling, Carpenter donne des tas d'indices sur le fait qu'on est en caméra subjective, on ne peut plus du tout faire la différence lors du retour de Myers 20 ans plus tard a Haddonfield, ce qui laisse le spectateur dans un doute permanent sur ce qu'il regarde. Est-ce le point de vue de Myers ou le point de vue du film? Le film devient lui même le prolongement de Myers (qui dans la version original est crédité au nom de The Shape -la forme-); la toile d'araignée dans lequel est pris le spectateur et c'est de ce doute, de cette insécurité permanente dont la peur émerge, car The Shape peut se trouver partout en caméra subjective comme en hors champs. La terreur vient des possibles, de ce qui se trouve derrière la porte et ici en l'occurrence de tout ce qui se trouve hors du cadre de la caméra. Carpenter utilise également un grand nombre d'emplacement de caméra dont on pourrait dire qu'ils sont un point de vue de "voyeur" et donc donnent l'impression que c'est le point de vue de Myers, pour, par la suite faire apparaître le tueur qui surgit de "l'en dehors" si je puis dire, ce qui rajoute encore plus d'ambiguïté à la caméra et donne cette dimension fantastique à The Shape (à la fois partout et nulle part), le renvoyant au croquemitaine ou au fantôme des contes. Un des meilleurs exemples de cette technique que Carpenter met en oeuvre tout au long du film est cette scène ou Laurie accompagné d'un gamin doit rapporter les clés à la vielle maison des Myers. Dans cette scène, on voit Laurie approcher par une fenêtre à l'intérieur de la maison, et ce n'est que lorsque Laurie s'en va et que la silhouette de Myers surgit du hors champ sur la droite, que l'on se rend compte de notre erreur. (Carpenter utilise en plus le son de la respiration de Myers pour nous leurrer).Carpenter utilise encore de nombreuses techniques comme l’absence de contre- champs, vis a vis de Myers, l'apparition systématique de Myers dans le plan juste après un travelling sur Laurie, ... pour ajouter à la dimension surnaturelle de The Shape. Je pourrais multiplier les exemples à l'envie, mais j'aurais peur de vous ennuyer.
En guise de conclusion, Carpenter signe avec Halloween un film d'horreur brillant et incroyablement riche d'un point de vue cinématographique. Un film qui restera comme un grand classique du genre et un grand classique tout court et que je trouve un peu sous estimé sur ce site. Je vous conseille donc de le voir ou de le revoir.