Hellraiser II n’est pas parfait, juste miraculeux. Il flirte avec la perfection, l’embrasse à plusieurs reprises, commet quelques fautes de goûts aussi délectables que ses exploits les plus éclatants. C’est une merveille à l’état brut. Hellbound est la suite du film-culte Hellraiser le Pacte où Frank revenait dans le monde commun et apportait avec lui une boîte mystérieuse, portail vers un monde de plaisirs et de souffrances. Il ne s’agit plus de drame familial ou du portrait de personnages borderline (au-delà de tous les avatars, le film tournait autour de Julia, sorte de femdom dépressive redécouvrant l’exaltation) mais d’une incursion dans cet univers d’où émanent les Cénobites. Dans Hellraiser II, nous entrons dans la boîte.


Le Ying et le Yang, indissociables


Enchaînant directement après le final de Hellraiser, ce second opus a bénéficié d’un budget conséquent, bien que retaillé par la New World Pictures. Il a en revanche subit la censure dans le monde anglo-saxon en raison de son ultra-violence (la chair éprouvée, les rangs de dépouilles féminines offertes à Julia), comparable à celle exhibée dans Martyrs. Réalisé par Tony Randel, Hellraiser II connaît un honnête succès commercial mais perturbe la critique et le public. On lui reproche notamment ses fulgurances, voir ses incohérences (pendant longtemps, le film n’était accessible que dans des versions bancales – le montage approprié et complet est récent, mais somme toute il ne change rien à l’essence du programme). Son absence de lien à toutes les conventions et aux repères connus dérange, sa virulence et ses "exploits" font halluciner. Tout le monde n’est pas près à accepter ce Nirvana sado-masochiste.


S’il y a un film dantesque dans l’Histoire de l’horreur ou du fantastique, c’est lui. Dans le pire des cas, il est sur le podium. Basculement total dans l’antre des monstres (les Cénobites, créatures de la boîte, sont au cœur des réjouissances), Hellraiser II invente un labyrinthe aux confins de l’enfer et du mystère. Il insinue des symboliques profondes, souvent inédites, parfois enfantines, avec une part de grotesque, toujours jusqu’au-boutistes. Le monde mis en scène est absolu, d’ordre démesuré, d’animalité sublimée ; là où la civilisation est dépouillée, où les décors les plus fantasmagoriques et grandioses restent, au service d’une course sans fin dans un espace où tout est possible et abondant.


Hellraiser 1 et 2 se complémentent et forme un tandem parfait, définitif. Hellbound marque le passage de l’autre côté, donnant l’accès à tout ce que ce dernier suggérait ou contenait, fondant le mythe et enrichissant son imaginaire. Par contraste avec la gravité du premier opus, d’un sérieux terrible, celui-ci marque le temps du déchaînement, où la psychologie devient une affaire seconde, les caractères se définissent d’abord par leur rapport au monde sensuel. Macabre au possible, mais beaucoup plus outrancier, il confond grotesque et sublime, onirique et trash. Explicite et spiritualité malade. Les deux films, chacun à leur manière, montrent tout ce qu’un enfant trop averti ou angoissé rêve de transfigurer. C’est encore le grand saut dans l’indicible, avec ici une proximité envers la sensation d’immortalité, de dissidence à la réalité et à la condition humaine. Une ivresse qui se solde par un chaos en trompe-l’œil, un folklore mystique croissant sous nos yeux, notamment dans une seconde moitié parfois délicieusement absurde, toujours tournant le dos au réel.


Nouvel ordre sous le joug de l’outrance et de la jouissance


Les attitudes du film stimuleront, heurteront ou laisseront sceptiques, catégoriquement : Hellraiser II refuse la demi-mesure et suscite la même intensité, ou génère rejet et distance. Le film a le goût du grotesque de la manière la plus littérale qui soit, tout en jouissant d’une mise en scène de qualité. Le raffinement tonitruant est à chaque endroit, par la BO de Christopher Young devenue épique, par les décors flamboyants, par les choix scénaristiques audacieux. À certains égards, Hellraiser II réinvente les totems du fantastique, en plus d’innover avec les siens propres et ceux de la franchise. Le retour de Julia est très significatif en ce sens : véritable maîtresse des enfers, d’une élégance "glam-kitsch" (et 80s) absolue, elle est aussi au cœur d’une relecture du mythe de Frankenstein. Avec Channard, qui lui a permis de remettre le pied dans le monde commun, elle réalise un tandem maléfique, tourné vers les forces occultes (le Léviathan, nouvel avatar et pilier des Enfers sur-mesure) et la satisfaction suprême. Ce même docteur Channard, à la tête d’un asile, s’avère un pervers complet derrière une façade conformiste et légale. Lorsque, dans la toute dernière partie où le film se perd en rebondissements et flirt avec le jeu de rôles (dimension sympathique au demeurant, assez fascinante même), Channard amène le film vers la farce gore par ses excentricités. À la fois spectateur-voyeur et participant odieux, ce personnage apporte beaucoup avec ses multiples facettes, tout en immisçant une sorte de neutralité, d’extériorité au mythe, permettant de prendre du recul et le voir avec plus de sagesse et de neutralité, sans rien en démythifier.


Multipliant les démonstrations dans une sorte de parade cauchemardesque, Hellraiser II s’avère aussi radical et à l’aise dans le thriller, le fantastique, le thriller puis finalement l’heroic-fantasy. Un ensemble d’une originalité prodigieuse, aussi déconcertant que subjuguant par son style, sa faculté d’associer lyrisme et farce premier degré avec naturel, précision et fureur. Les visions les plus inouïes s’enchaînent avec grâce et cohérence. Le cadre de l’hôpital psychiatrique est intégré dans l’ivresse et apparaît comme une antichambre de la boîte, un endroit où les pulsions et les passions auraient libre court, dans leur parcelle réservée. Les apparences sont ambiguës et une visite auprès des grands malades se transforme en passage à l’abattoir (avec Channard derrière la lucarne, comme un prêtre auscultant ses patients à bout), ou dans une usine ordonnée pour la dépravation. Les auteurs ont été d’une générosité inouïe et d’une imagination sans limite.


Rapport à la saga


Après l’orgasme aussi, il y a la descente. Hellraiser va se poursuivre avec de nombreux opus, neuf à ce jour, dont un supplément improbable en forme de documentaire. Clive Barker, scénariste de la nouvelle originelle qu’il adaptait via le film inaugural, sera lié aux quatre premiers opus. Pour les trois suites de son chef-d’œuvre, il collabore avec Peter Atkins pour le scénario. Ensuite, les direct-to-video seront improvisés par des réalisateurs détachés, avec des équipes différentes, seul Doug Bradley rejoignant les troupes.


Concernant Hellraiser II, il a été réalisé par Tony Randel. Avec ce premier film (si on omet l’anonyme Def-Con 4), il annonçait son style graphique inimitable, coloré et tranchant, qui cependant ne trouvera et de très loin, jamais une expression un tant soit peu comparable à celle d’Hellraiser II. C’est qu’il faut aussi une équipe, de la matière, une inspiration. Une manne et des génies pour stimuler le sien, en d’autres termes.


Tous les autres opus de la saga Hellraiser s’écarteront de l’intrigue originelle du Pacte, avec des personnages différents, voir un point de vue très éloigné, dénaturant le lien aux sources (notamment les direct-to-video de Rick Bota).


http://zogarok.wordpress.com/2014/11/29/hellraiser-ii-hellbound-les-ecorches/


http://www.senscritique.com/film/Hellraiser_Le_Pacte/critique/25754175

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le 8 déc. 2014

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