Hime-anole
6.6
Hime-anole

Film de Keisuke Yoshida (2016)

Après une poignée de comédies romantiques qui n’ont pas fait assez de vagues pour parvenir sur nos rivages français, voici que Yoshida Keisuke se lance dans l’adaptation du manga Himeanole de Furuya Minoru (également auteur du manga Himizu, porté à l’écran par Sono Sion). Alors que le film s’engage résolument dans la voie toute tracée de l’amourette naïve entre personnages malhabiles, il s’offre à mi-parcours une rupture de ton qui lui vaut largement sa place à L’Etrange Festival, où il a été sélectionné en 2016.


Rarement aura-t-on vu écran de titre aussi tardif, venant s’inscrire au bout de 40 minutes pour nous signifier que l’on entre enfin dans le vif du sujet. Jusqu’alors, nous suivions le parcours semé de maladresses d’Okada, un agent d’entretien au charisme tout relatif planté par Hamada Gaku. Celui-ci est mandaté par son manager Ando pour aller s’enquérir des sentiments de Yuka, une jeune serveuse qui a charmé son cœur. La belle révèle alors être victime d’un stalker, qui n’est autre que Morita, un ancien camarade de classe d’Okada. Le duo de collègues se retrouve ainsi bien vite propulsé au rang de protecteurs, gagnant de ce fait une proximité inespérée avec Yuka. S’ensuivent gags mignons faute d’être originaux alors que les personnages apprennent à s’apprivoiser et que les rivalités amoureuses émergent. Bien qu’elle soit relativement insignifiante, on serait prêt à se contenter de cette comédie facile qui nous met le sourire aux lèvres en évitant les écueils pourtant menaçants du grotesque. Yoshida Keisuke, toutefois, ne nous autorisera pas à nous reposer sur ce scénario prévisible.


Puisque Hime-Anole sait si bien cacher son jeu dans une première partie qui tient déjà la route, cela paraît presque un crime que de le désacraliser en révélant son ressort principal. Pour autant, le spectateur qui se présenterait devant le film sans être averti risquerait non seulement d’être déstabilisé, mais également ouvertement choqué. C’est que Hime-Anole, après nous avoir nourris d’une guimauve faussement innocente, bascule soudain dans le thriller froid et sanglant en recentrant sa narration sur le personnage jusque-là anecdotique de Morita. Dans l’inventif montage parallèle de deux scènes, d’amour et de meurtre, qui symbolisent parfaitement la transition qui s’opère, on découvre une violence brutale, souvent maladroite, toujours réaliste.
Pour autant, pas question de se complaire dans une barbarie outrancière. Si certaines scènes ne manqueront pas de provoquer le malaise, d’autres nous épargneront en reléguant la cruauté au hors-champ ou en abrégeant les plans. Il s’agit donc bien moins de faire étalage d’un sadisme systématique que de suivre la trajectoire chaotique d’un personnage perturbé, dans lequel Morita Go vient nous cueillir à contre-courant. Notons en outre que le film ne se départit jamais de son humour et le fait intervenir même à l’orée de la violence.


Le revirement est cependant loin d’être uniquement scénaristique, puisqu’on remarque également dans cette deuxième partie une évolution dans la réalisation. Tandis que nous étaient jusqu’alors essentiellement offerts des plans génériques, à la composition banale et dépourvus de musique, de subtils changements dans le cadrage et le montage viennent par la suite insuffler au film une atmosphère de triller redoutable. On croirait voir Yoshida Keisuke tourner ainsi en dérision les codes simplistes dont trop de comédies se contentent, alors que son film opère une véritable montée en puissance. Dans tous les cas, il montre qu’il sait jouer habilement dans les deux registres, et c’est ce qui permet à Hime-Anole de constituer un ensemble convaincant, où des ambiances opposées cohabitent sans que l’une n’apparaisse faible au regard de l’autre.


Ainsi, si l’on pourrait penser que Yoshida Keisuke prend des risques à jouer sur les deux tableaux, c’est un défi qu’il relève avec succès sans tomber dans le pastiche. S’il lui manque l’envergure nécessaire pour être un véritable événement cinématographique, Hime-Anole promet du moins 1h40 de divertissement jubilatoire, qui saura faire passer le spectateur du rire à l’angoisse en une poignée de secondes. Il brasse au passage quelques thèmes forts, comme le harcèlement scolaire (ijime), la recherche du bonheur ou l’obsession (vue de manières très différentes à travers les personnages d’Ando et de Morita). Le film ne prétend évidemment pas apporter de réponse à ces problématiques, mais leur présence permet de donner une profondeur attachante aux personnages. On s’en satisfera amplement.


[Rédigé pour EastAsia.fr]

Shania_Wolf
7
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le 14 sept. 2017

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Lila Gaius

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