Le premier long-métrage d'Alain Resnais (après notamment Nuit et brouillard) est ce poème existentialiste acclamé à sa sortie en 1957, triomphant à Cannes, référence largement adulée et symptomatique de la Nouvelle Vague. Les débuts de Resnais en tant que réalisateur sont marqués par la production des opus les plus abstraits de ce courant (il donnera L'année dernière à Marienbad), avec ceux de Godard, un des admirateurs d'Hiroshima.
La trame est limpide : liaison entre un japonais et une actrice, venue à Hiroshima pour tourner un film sur la paix. Resnais en fait le support d'une réflexion sur la mémoire et d'une romance plombée par parfum mortifère. Il procède par associations, travaille un cinéma poseur et méditatif. Les dialogues de Marguerite Duras sont éparpillés pour habiller les états d'âmes du couple et surtout d'Emmanuelle Riva.
En dépit de son aspect hiératique, Hiroshima suscite une certaine émotion, d'ordre esthétique. Ses héros sont rendus relativement inaccessibles et la diction spécifique d'Emmanuelle Riva, singeant probablement la femme-enfant aux caprices mauvais, donne au spectacle une tournure grotesque et pénible. De même, avec ses anecdotes cryptées strictement artificielles, ou autres usage de Nevers, Hiroshima se charge de sa propre parodie.
Entre le flot de sentiments charriés, la photo et les décors sublimes, le langage devient un accessoire superficiel, dont il s'agit d'user à fond. Son impuissance s'accorde à celle de la passion de Riva et Okada. Comme réquisitoire pacifiste et antinucléaire, forcément, c'est fébrile. Heureusement l'intérêt est plutôt dans toute cette sophistication prompte alors à indiquer de nouvelles voies au cinéma et à l'écriture cinématographique.
Hiroshima est emblématique de cette ambiguïté entre romantisme extatique et intellectualisme poussé à l'absurde, donnant une sensation de spectacle superficiel bien que chargé de sens et d'intuitions très émotionnelles. Il se rapproche ainsi du Mépris et s'écarte de choses très chiquées et inertes comme Pierrot le fou, futur film de Godard, ou Marienbad, prochain film de Resnais.
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