Le succès de Hostel appelle une suite, sortie un an après. Hostel ne deviendra pas une saga fleuve comme Saw ou Destination finale ; un petit Hostel III est sorti, certes, mais il n'est pas signé Eli Roth, ni produit par Tarantino et est perdu dans les bacs à direct-to-video miteux.


Supérieur au premier opus sans le diminuer, il est lui aussi un film d'horreur, parfois gratuit ou sarcastique, mais d'horreur profonde et absolue. Parce qu'il fait du premier degré bien sûr, parce qu'il montre l'horreur vraie surtout, celle qui reflète les pires hantises de n'importe quel esprit sceptique et paranoïaque. C'est ce que montre Hostel II, un envers du monde, sans morale ni Droit, basé sur des intérêts malsains et des lois inhumaines.


Cette fois, l'escapade implique un groupe de filles et la première partie s'avère nuancée. Hostel II gomme les scories de son prédécesseur, règle les affaires laissées en suspens et engage directement le processus. Il n'y a plus de American Pie glissant vers l'immonde. C'est le cauchemar déclaré de A à Z (mais avançant maquillé, en laissant échapper des indices), avec toujours ce talent pour le portrait, ce raffinement esthétique et des belles idées visuelles.


Elles comprennent la démonstration d'actes de violence extrêmement choquants (la baignoire de miss Bathory), mais aussi des instants magiques où des lieux pittoresques semblent à la lisière du fantastique. On retrouve aussi ces tics de nerd, avec la déférence à Tarantino (l'extrait de Pulp Fiction réapparaît) et des clins-d'œil pour les légions averties (le cameo de Ruggero Deodato, réalisateur de Cannibal Holocaust).


Nouveau cap et point de vue audacieux : montrer les motivations alimentant le Mal absolu, entrer dans l'intimité mentale de ceux qui le choisisse ; et surtout montrer ce Mal comme un commerce scientifique. Ce n'est pas le fruit d'une simple impulsion, ni d'errances isolées ; et c'est ce qui le rend plus effrayant. Il n'y a rien de plus intolérable que ce qui est désigné dans ce film.


Une simple secte improvisant ad hoc serait moins effrayante qu'un système rationnel qui exerce son emprise. Hostel était une prise de conscience de cette affreuse réalité industrielle, Hostel II montre les à-côtés. L'un des tours de force de Eli Roth est de mettre en scène deux héros de Desperate Housewives en clients de la boucherie sur-mesure. Le tourisme sexuel a trouvé un partenaire le surpassant dans l'abjection. Une séquence brillante montre des yuppies miser sur une condamnée aux quatre coins du globe. Les diables sont ici.


Deux choses, d'une part, la désignation d'un vaste réseau mondialisé et la captation des perversions par le business ; les frontières sautent ensemble. À côté de cet aperçu social, la réalité psychologique des protagonistes. Qu'est-ce qu'un individu impliqué dans un tel processus ? Eli Roth imagine donc toute la démarche vers cet éveil sordide, exigeant une initiation pratique. Un univers avec ses rituels et contraintes (le tatouage pour sceller à jamais), ses promesses : alors que l'un des deux tueurs novices est réticent et impressionné, son ami est extrêmement enthousiaste.


Il perçoit l'opportunité d'un dépassement de soi. Son attitude est celle d'un affranchi mesurant ses performances. Il vient pour inscrire une dimension supérieure à celle des simples mortels dans ses instincts. C'est là aussi que Hostel II est complet dans sa vision : il y a la dérive de l'hédoniste et du chasseur de sensations, mais la frustration et l'échec sont aussi des moteurs. Nanti certes, Stuart le bon père de famille est aussi une victime et un minable, dominé par les convenances, par sa femme, jouet de son environnement. Dans les deux Hostel, la dégradation de la vie exerce sa menace partout. L'innocence ne peut qu'être une vue de l'esprit et elle est obsolète.


Ce n'est pas un cinéma intellectuel ou conceptuel ; c'est un cinéma d'artisan euphorique, téméraire, capable d'assumer son choix de prendre aux tripes. Certains ont trouvé comme motif de rejet, « arnaque ». Soit mais.. la matière est là pour les amateurs (de pellicule hargneuse, de terreur et de gore), pour les autres ou ceux dotés d’exigences particulières en terme d'ambitions, le film dépasse les espérances. Alors film roublard oui, escroquerie en rien. Film de terreur, physique, morale, sociale, donc film modèle.


https://zogarok.wordpress.com/2015/02/12/hostel/

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le 14 févr. 2014

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Zogarok

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