Après La reine Margot (1994) et Ceux qui m'aiment prendront le train (1998), Patrice Chéreau réalise quatre drames 'intimistes' (le dernier étant Persécution avec Duris, opus désavoué). Le premier est Intimité, où la fameuse influence d'Orson Welles et de l'expressionnisme n'est plus à l'ordre du jour. Dans ce film tourné à Londres, sans doublage VF, les dialogues de semi-alcoolos dans l'expectative, les coups de sang stériles et les errances méditatives abondent. Le champ est étriqué autour de quelques lieux : la garçonnière, le pub, la salle de théâtre pour l'essentiel.
Le peuple d'Intimité est composé d'une poignée de gens à mi-vie ou un peu au-delà, toujours (ou redevenus) bohèmes et en pleine crise existentielle. L'argument principal concerne Claire et Jay, partenaires sexuels quasi mutiques se retrouvant le mercredi après-midi. Jay décide d'en savoir plus sur elle, d'aller au-delà de la baise et des petits compromis au devenir hideux. Il découvre les fonctions qu'elle occupe avec peine, son entourage, son mari. Le film est complètement focalisé sur ces protagonistes en plein décrochage, que ce soit de gré (Jay a abandonnés sa femme et ses enfants) ou de force (Andy ou la prise de recul comme masque du plantage complet).
Tout le monde est pressé à mettre cartes sur tables, à se recomposer après des échecs bien nourris par la paresse, le déni. Après un démarrage poseur et nébuleux, les mystères sont évacués. Les gens qui avaient 40 ans à la sortie d'Intimité seront plus enclins à apprécier et surtout à s'y retrouver. L'esthétique est souterraine (grisaille middle classe anglaise très moyenne, ardemment spleenétique), la BO appartient aux seventies, à un rock du passé qui ressemble à celui d'une première adolescence, la vraie, plus légère et limpide (Bowie, Iggy Pop). L'intérêt pour ces petites tragédies est rehaussé par les prestations de Timothy Spall/Andy et surtout de Marianne Faithfull/Betty.
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