Nous sommes à Londres. Ça se passe tous les mercredis. Sans savoir pourquoi, elle sonne, il ouvre la porte, ils descendent dans un sous-sol mal éclairé et mal rangé. Et sans un mot ou presque, ils font l’amour passionnément. Puis elle repart sans une parole ni un sourcillement. Juste un instant volé, une brèche dans un espace-temps immatériel, sans explication, ni responsabilité. Une envie d’être regardé et désiré sans jugement ni souffrance. Patrice Chéreau filme les corps magnifiquement, donne vie à des scènes sexuelles d’une beauté torride, humaine et tonitruante. On rentre directement dans leur intimité la plus profonde, on pense à « Breaking The Waves » de Lars Von Trier avec cette façon de moduler un visuel si naturaliste et addictif à travers un montage fractionné.
De ce fait, rien ou presque n’est éludé dans cette osmose entre les corps, le réalisateur place sa caméra volatile au plus près de la peau faisant naitre alors une intensité jouissive débordante. Malgré ce décorum glauque, ces scènes sont magiques, puissantes, une alchimie parfaite, d’un naturel fougueux et terriblement banal. Ça pourrait être vous ou moi. Puis face à ces premières minutes d’une classe folle, le film de Patrice Chéreau dévoilera ses secrets au fur et à mesure d’un jeu de cachecache entre refoulement d’un amour surgissant et d’une envie de trouver une échappatoire presque irréelle. Mais cette attraction purement chimique ne suffira plus, il voudra alors découvrir quelle femme se cache derrière ce mutisme émotionnel. Il la suivra dans les rues de Londres, verra sa vie, son quotidien, sa famille.
Tout ça, dans un Londres à la fois sombre mais convivial, tendu mais confortable. Un peu à l’image de la vie. Auparavant, Il avait quitté sa femme et ses enfants sans donner d’explications. Dire les choses, savoir prononcer les mots qu’il faut au bon moment, donner une définition à une situation ou à une émotion, c’est un peu la problématique du long métrage. Intimité n’en oublie pas de faire parler les sentiments, dans sa deuxième partie, de faire éclore les doutes face à l’instabilité d’un quotidien destructeur où le mot amour est de plus en plus flou. Qu’est-ce qu’aimer, ou ressentir de l’amour ?
Et malgré ça, l’œuvre de Patrice Chéreau se révèle exubérante tant dans l’expression corporelle que dans ses envolées lyriques presque surjouées, prenant au vol la captation pulsionnelle des corps qui s’entrechoquent dans un désir muet, où les émotions se font sourdes pour resurgir de plein fouet comme un boomerang. Il y a ce côté frénétique dans les déclarations, cet aspect théâtralisé qui ne fait que gonfler avec l’omniprésence d’une musique parfaitement accordée, une ressemblance naissante avec « Possession » Andrzej Zulawski sans l’hystérie et le fantastique notamment dans les séquences qui le lieront avec un ami d’enfance un peu borderline. « Intimité » peut paraitre désaccordé, sur une corde raide, une effusion grandiloquente d’émotion nourrie par deux performances d’acteurs fabuleuses.