Manuel d’apprentissage – Jour 13

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au quatorzième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


Ce que je craignais le plus est arrivée. Une émeute a éclaté, à quelques centaines de kilomètres d’ici. Des représentants de nos deux espèces se sont affrontées spontanément, et violemment. La nouvelle est remontée jusqu’à nous à la vitesse effrayante d’un cri d’alerte. L’origine de la dispute serait ma récente amitié ouverte avec la reine des vampires. Je suis désemparée. Je voulais tout faire pour éviter cela, et c’est précisément mes actions qui ont précipité l’arrivée du chaos. Là-bas c’est la panique, les alphas tiennent leurs loups du mieux qu’ils peuvent, mais le climat est électrique. Ils m’ont contacté quelques minutes à peine après que j’ai eu appris la nouvelle, pour me supplier de faire cesser cette manifestation d’amitié, de retrouver toute ma fermeté et mon autorité pour tenir les vampires en respect. Foutaises. Fermeté et autorité, sans rire ! Hors de question. Et quand ils m’ont demandé de moins manifester mon affection pour Lycaon pour calmer également les ardeurs des vampires, j’ai raccroché furieuse. Qu’ils se battent s’ils en sont suffisamment stupides. Je ne me priverai ni des conseils avisés de Lycaon, ni de ceux de ma consœur chauve-souris. Tendue, je me suis hâtée vers la Cinémathèque. Toutes ces histoires m’ont faite arriver en retard, encore. Mais cette fois, aucune place aux cotés de la reine ne m’a été réservée. Elle a fui mon regard en me voyant entrer dans la salle, se tenant bien droite, digne, hautaine. Diantre. Elle n’est visiblement pas arrivée aux même conclusions que moi…
Pour couronner le tout, le film était catastrophique. La grande salle de la Cinémathèque est aujourd’hui surtout peuplée de simples humains, de ce public régulier de la Cinémathèque qui se pâme d’intellect et se gausse de répliques subtilement ironiques. Et je déteste ça. A chaque fois que la salle s’esclaffait, je me crispait un peu plus. J’ai bien cru me lever et quitter définitivement la salle quand le réalisateur fictif nous a annoncé avoir « oui, vu Les Vampires de Feuillade à la Cinémathèque », et entendant la réaction d’auto-satisfaction de la salle tout autour de moi. Le film nous raconte un plateau de tournage détestable, aux conversations superficielles, aux conflits mesquins, aux luttes d’égo puériles, et bien sur à son réalisateur tout aussi incapable que névrosé. « Oui, le cinéma français, admettons-le, c’est chiant », et la salle de se gondoler. Oh là là ! Quelle belle mise en abîme ! Ho ho ho ! Quelle grand sens de l’auto-dérision… Je trouve toute cette tartinade de mépris affligeante. N’empêche que le film est effectivement chiant et auto-centré, et ce n’est pas en l’oralisant qu’on va rendre ces caractéristiques plus digestes. Les scènes s’enchaîne dans l’inutilité la plus totale, plus ou moins structurée sur l’amitié-attirance entre l’actrice principale du film fictif et la costumière. L’une a l’air faible et perdue, l’autre est détestable. Si le réalisateur tentait de brosser des portraits de femmes fortes et indépendante, le moins qu’on puisse dire est que c’est raté. Le tout se conclue sur un feu d’artifice d’images pellicule dessinées, griffées, volontairement altérées. C’est joli mais ça n’a pas vraiment de sens, ou alors je n’ai plus l’envie d’en chercher un. Le générique arrive, aussi soudain que libérateur. Le mieux c’était encore d’avoir intégré le *Bonnie & Clyde* de Gainsbourg à la bande son.
A la sortie, j’ai trottiné jusqu’à la reine de la nuit pour tenter de comprendre la situation. Elle m’a repoussée, me confirmant mes craintes qu’elle ai, elle, trouvé que cesser de nous montrer publiquement amies était une bonne solution pour éteindre les émeutes. Je ne suis pas d’accord, alors j’insiste. Voyant que je ne céderai pas, et peu désireuse de faire une démonstration de nos aptitudes au combat au beau milieu des vieux riches qui jasent encore sur ce chef-d’œuvre du septième art que nous venons de découvrir, elle consent à me consacrer l’intervalle jusqu’au prochain film, mais à l’abri des regards, discrètement. Nous nous sommes mêlées à la foule, avons fait jouer tous nos talents de discrétion, au point qu’il nous a été difficile à l’une et à l’autre de ne pas nous perdre mutuellement. Puis, à la première ouverture, nous avons filé dans une ruelle adjacente.
Zalya
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le 2 nov. 2019

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Zalya

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