Joker (2019) tente un pari osé : allier étude de personnage et univers de comics. Un mélange loin d’être évident car une étude de personnage se doit d’être subtile et crédible tandis que le comics de super-héros (ou en l’occurence de super-vilain) répond à de nombreux archétypes et conventions.
Cela ne veut cependant pas dire que c’est impossible, les comics proposent ce genre d’exercice assez régulièrement, avec plus ou moins de réussite, suivant notre capacité à suspendre notre incrédulité entre adultes consentants. Rien que sur le personnage du Joker on ne peut passer à côté du culte Batman : The Killing Joke (1980), son origin story la plus connue.
Mais revenons à nos moutons. Pour résoudre ce paradoxe, Joker s’éloigne pas mal des codes de comics pour s’ancrer dans le réel. Ici donc, point de mecs en collants qui tabassent la nuit des barons du crime quand ils ne sont pas en vadrouille à l’autre bout de la galaxie pour parer à une quelconque menace cosmique. Gotham City est juste une ville pauvre et agitée des années 80, bien avant l’avènement de Batman.
En tout cas, proposer un film intello avec peu d’action relève d’une démarche que j’apprécie tout particulièrement à l’heure ou le genre est saturé (j’en parlais ici d’ailleurs). Ça change des films Marvel qui se suivent et se ressemblent.
Alors, pari réussi ? Je répondrais « oui mais ». La descente aux enfers d’Arthur Fleck est crédible, grâce surtout à la performance de Joaquim Phoenix, qui se positionne pour l’oscar. La folie du personnage passe bien à l’écran et l’atmosphère est glauque à souhait. Cependant, le film reste assez loin de la perfection, et à mon sens assez loin du chef d’oeuvre que beaucoup ont décrit —il a quand même remporté le Lion d’Or !—.
En effet, le film n’échappe pas à quelques moments manichéens, en particulier dans son aspect de fable sociale du dimanche avec les riches qui n’en ont rien à foutre contre les pauvres ultraviolents. Thomas Wayne et ses trois employés du métro sont très caricaturaux, ainsi que le patron de Fleck qui réclame le panneau perdu.
Un autre problème du film est un peu plus fondamental, et concerne le personnage d’Arthur Fleck. Son arc est en réalité un peu décevant. Au lieu de voir un mec sombrer dans la folie, j’ai eu la sensation d’assister à l’histoire d’un gars déjà fou qui voit ses inhibitions et ses verrous sauter petit à petit. Si Fleck est très bien humanisé, il le reste malheureusement tout au long du film. Je n’ai pas trouvé qu’il devient particulièrement effrayant, il reste plutôt dans le registre du pathétique, avec un bon pétage de câble.
De manière générale, je n’ai trouvé le film à aucun moment surprenant, intriguant, glaçant ou effrayant. Et ce au point de le trouver un peu longuet par moments. Cela ne l’empêche pas d’avoir des moments de grâce et quelques scènes mémorables, en particulier la toute dernière.
Bref, Joker est un film de super-vilain plutôt surestimé mais vraiment original et bienvenu, avec un Joaquim Phoenix des grands jours. Mon Joker préféré restera malgré tout Heath Ledger.