"Jupiter Ascending" le dernier bébé du duo Wachowski, est un film d'une ambition folle certes, mais également d'une intelligence rare.


L'intelligence de "Jupiter Ascending" tient principalement à sa facilité de narration, là où beaucoup de metteurs en scène de blockbusters s'acharnent à nous pondre des épopées qui durent 3 heures, mais dont le scénario fait deux lignes, les Wachowski eux décident de tout raconter en seulement 2 heures.
Dit comme ça évidemment ça paraît très con, mais le défi n'était pourtant pas évident à relever, étant donné la longueur originelle du scénario (près de 600 pages à ce que l'on m'a dit). La Warner après l'échec financier de "Cloud Atlas" sur le sol américain bien qu'elle ne l'ait pas produit, semble avoir eu peur et ne s'est pas vraiment foulé concernant le projet "Jupiter Ascending" et tout ce qui gravite autour de lui. La promotion a été assez catastrophique comme en témoigne par exemple l'horrible titre du film en français, ou bien encore la trilogie qui était au départ prévue et qui n'a pas eu lieu. Les studios sont frileux et ont peur pour leur porte-feuille, c'est un fait. Deux vraies auteurs comme les Wachowski débarquent avec un projet fou, mais on ne les finance pas car ce projet ne répondra probablement pas aux attentes du public.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est bien de là que les Wachowski tirent aussi une partie de la force de leur nouveau long-métrage. Plutôt que de réaliser un simple blockbuster d'action dans l'espace avec ce qu'ils avaient comme base de script une fois synthétisé, les réalisateurs nous offrent finalement un space opera très simplet et naïf qui tend plus à pointer du doigt les habitudes de consommation des spectateurs en matière de cinéma.
Évidemment il n'est jamais très agréable de voir un film qui a l'audace de remettre en place le public, et on en ressort d'ailleurs avec la sensation d'être resté sur notre faim. Cela est totalement voulu.


Dans "Jupiter Ascending" Mila Kunis incarne une héroïne dont le destin va être de sauver l'univers (mais surtout la Terre quand même). Face à elle se dressent trois antagonistes, des sortes de super-humains qui contrôle le cosmos. Ces trois opposants sont écrits de telles manières à ce que le public puisse se retrouver en chacun deux. Évidemment notre réflexe de spectateur n'est pas de s'identifier à ces trois personnages, puisqu'ils incarnent la part sombre de notre humanité. D'une part ils sont les grands méchants du film, mais en plus leur désir principal est de toujours vouloir plus, d’espérer plus grand, d'avoir plus de puissance et de pouvoir, au détriment de Jupiter Jones l'héroïne.
Quant à cette dernière d'ailleurs, elle ne fait que choir, jamais elle ne monte contrairement à ce que le titre du film nous promet. Que cela soit dans l'écriture ou la mise en scène, Jupiter chute, rattrapée par son chevalier en armure certes, mais elle n'acquière rien contrairement à ce que l'on peut penser à la fin du film. Car en vérité le bien qu'elle reçoit n'est pas celui qu'elle souhaite.
Il est toujours difficile d'interpréter les divers strates de lectures que proposent les films comme "Jupiter Ascending", parce qu'il n'est jamais agréable de voir un blockbuster qui nous incite à mesurer nos attentes le concernant. Bien sûr on a droit à tout ce qu'un film de ce genre peut nous offrir. Des courses poursuites, de l'action en veux-tu en voilà, des combats, des décors grandioses, une love story gentillette, et un visuel de dingue.
A vrai dire, les Wachowski s'attachent à remplir de la manière la plus simple possible le cahier des charges que l'on a imposé à leur film. Ils le remplissent pour mieux nous blaser et pousser un coup de gueule, un peu à la manière de David Cronenberg qui critique Hollywood dans son "Maps to the Stars", à la différence qu'ici les réalisateurs ont de la délicatesse dans le travail fourni, et qu'ils mettent aussi leur talent à l'oeuvre comme en témoignent les plans séquences.


La tête dans les étoiles, mais les pieds définitivement bien sur terre, les audacieux Lana et Andy Wachowski assènent au public une bonne claque dans la figure. "Jupiter Ascending" nous invite à mesurer nos désirs de spectateurs. C'est culotté mais nécessaire lorsque l'on prend du recul par rapport au film et à la première impression qu'il nous laisse, en plus ça fonctionne à merveille. Dans un second temps, le film nous rappelle aussi que le cinéma est avant tout un art, et non pas un simple service de consommation.

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le 8 févr. 2015

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E-Stark

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