Final cut.
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Au moment d’aborder le seconde volet d’un diptyque, les alternatives sont les suivantes : continuité ou complémentarité. C’est clairement cette deuxième tendance que privilégie Tarantino dans le volume 2 de Kill Bill.
Alors que l’exécution de Beatrix ouvrait le premier film, le second revient sur l’avant : un bon quart d’heure de discussion sans fond réel, dont le spectateur connait l’issue et ressent l’oppression croissante. On retrouve ici ce qui fera le sel du prologue d’Inglorious Basterds, ou de toute la très longue première partie des 8 salopards.
L’heure est au dialogue, presque à la gueule de bois. Les suivants sur la liste ont compris ce qui les attend, et le baroque ostentatoire laisse place à une atmosphère plus sombre, à l’image de l’exposition du statut déchu du personnage de Madsen. Crade, gras, désabusé, l’homme dans toute sa splendeur. Les exécutions seront moins flamboyantes, les espaces réduits : un cercueil, une caravane, une hacienda, un jardin d’hiver…
On finirait par croire à une structure prise à l’envers, prenant à rebours la dynamique traditionnelle de la gradation : l’éclat du bouquet final pour le premier volet, le temps de la maturation par le dialogue pour le deuxième.
Bien plus long, s’attardant davantage, le récit épaissit encore davantage les personnages, notamment par le retour sur l’initiation et le sillon chinois creusé avec plus d’insistance, par le rite initiatique, passage obligé de la tradition Kung-Fu. Moins de morts, plus de souffrance. Moins de coups, plus d’expression.
Puisqu’il s’achemine vers la réalisation de son titre, Kill Bill volume 2 tient beaucoup du requiem : pour bien des personnages, il s’agit de prononcer ses dernières paroles, oraisons funèbres avant le grand tabula rasa.
C’est la raison pour laquelle Beatrix, désormais dotée d’un nom, arrive trois quart d’heure avant la fin chez Bill : il ne s’agira pas à proprement parler d’un combat (même si on jouera avec ses promesses, assis, à coups de fourreaux ou de penthotal), mais d’une joute verbale, avec pour ligne de fond la fascinante définition de l’héroïne.
Bill, splendide David Carradine, figure masculine honnie et attendue, le mari, le maitre, le père.
Beatrix est revenue de tout : de la mort, du coma, d’une initiation en bonne et due forme, et même d’un enterrement, sortie de terre comme un zombie. Son destin, lui explique Bill, est lié à son talent : il lui a refusé le droit à quitter son statut d’héroïne pour devenir Mme tout le monde.
Dans chacun de ses films, Tarantino place la figure du puppet master, mise en abyme de son omnipotence à l’écriture. Par l’entremise de Bill, il s’interroge ici sur les sévices qu’il a fait subir à son héroïne dont l’unique quête est de quitter l’écran, quitte à effacer, avant son départ, tous ceux qui y brillaient avec elle. Raison pour laquelle le plus beau face à face sera celui d’une découverte, celle de la fille, qui joue à tuer la mère, s’écroulant au sol dans des larmes nouvelles.
Parcours initiatique, Kill Bill va donc voir la femme tuer le père pour pouvoir redevenir mère, par une affirmation d’indépendance fondée sur le gimmick absolu que le maitre lui-même n’était pas parvenu à apprendre : the five point palm-exploding heart technique, caresse définitive, adieu et déclaration d’amour simultanée.
Il aura donc fallu une chrysalide de sang pour que se déploient les ailes protectrices d’une femme nouvelle : pour sa seule véritable exploration de la filiation dans sa filmographie à ce jour, Tarantino parvient à toucher sur tous les plans : éclabousser la rétine et faire chavirer les cœurs.
http://www.senscritique.com/liste/Revoyons_Tarantino/1250211
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le 16 mars 2016
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