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"Oh, Mommy, don't die. I was just playing"

Kill Bill est un monstre à deux têtes, une même entité faite de noir et de blanc, qui se détache de tout son corps par sa structure antagoniste. Kill Bill, premier du nom, exercice de style sanglant, foudroyant d’aridité, laisse place à son épilogue, une deuxième partie qui fait presque figure d’ovni dans la filmographie de son auteur. Reprenant les codes de Pulp fiction avec ses dialogues incisifs et référentiels (Bill et son allusion à Superman), Quentin Tarantino se déjoue des attentes, et donne à son diptyque, une aura plus morose, une émotion rare chez l’américain. Le spectaculaire se dérobe, dans une violence parcimonieuse toujours aussi implacable, pour se désintéresser de ses effets de style et donner une profondeur inattendue à ses personnages, devenant alors un magnifique portrait de femme. Plus intimiste, moins iconique mais plus retors dans son aspect réflexif, le deuxième volet est un grand film. C’est le cœur du sujet, la retranscription parfaite d’une volonté acharnée d’en découdre avec son passé, la seule envie, de tuer Bill : de Kill Bill.


Mettant un peu de côté sa fascination pour le genre du chanbara, Quentin Tarantino renoue avec le polymorphe de son cinéma, sacralisant non pas l’iconisation des corps mais celui de l’espace, des mots qui s’écharpent par la culture de leurs chutes. Le fantôme de Bruce Lee se désagrège pour ne faire qu’un avec l’âme du western, le grand Ouest et sa sécheresse exiguë, ce calme avant la tempête, cette violence fine et sale, où le spectre de Sergio Leone plane sur les compositions sonores de Morricone et graphiques de Quentin Tarantino, notamment durant ce duel exceptionnel entre The Bride et Elle Driver. Dans ce registre, la narration se veut moins concise, plus aérienne, presque en mid tempo, entièrement fragmentée par l’accumulation des dialogues, mais qui ne ternissent pas la force de son action où les combats sont entrecoupés par de longs monologues qui renforcent la mythologie de l’univers de Beatrix Kiddo.


Quand on scrute le début des deux films, la rupture de ton est flagrante : KB1 jetait d’entrée The Bride et Vernita Green dans l’affrontement mortel alors que KB2 reprend l’histoire à son dénouement originel, le mariage et les derniers échanges entre The Bride et Bill, avant l’assaut brutal. Malgré l’incorporation de nombreux flashbacks qui explicitent l’épicentre des contentieux, l’écriture se veut linéaire, maline dans son aptitude à créer une tension évolutive, et suit chronologiquement, cette quête inarrêtable de vengeance jusqu’à ses trente dernières minutes de retrouvailles entre Bill et Beatrix. Le film est toujours binaire, va d’un point A à un point B, d’un mort à un autre, mais dans un goût stylistique opposé, où la chorégraphie des meurtres se leurre, et privilégie la caractérisation, à la fois de personnages sur les rotules (Budd, sadique mais sublime loser), mais aussi et surtout de la relation d’un homme (Bill, incroyable, cruel et charismatique David Carradine) et d’un femme, anciennement amoureuse et fabriquée par un maitre Shaolin (Pai Mei) particulièrement abrupte, illustrant de ce fait, les racines meurtrières de Kiddo.


Dans la fulgurance de ses influences japonaises et asiatiques, Quentin Tarantino singe son cinéma et signe un long métrage presque féministe (réflexion sur la maternité), qui fait magnifiquement le pont entre le sublime portrait de Jacqueline Brown et la horde de pétasses pétaradantes de Death Proof. Alors que le volume 1 était un magnifique échantillon post-moderne de la culture pop et japonaise de son auteur, Kill Bill, deuxième du nom, fournit une toile de fond à son intrigue, où le squelette devient l’esprit, et fait de son univers, pas qu’une simple épopée cinématographique nostalgique, et purement esthétique, mais une saga épique et virtuose dans sa richesse et son hétérogénéité.

Velvetman
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le 11 janv. 2016

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