Alors que Le Solitaire et le splendide Sixième sens ont établi clairement la maîtrise de Mann, le voilà qui s’engage à nouveau dans un projet d’ampleur, mais destiné à la télévision. Il lui faudra faire des concessions, très visibles à l’écran, mais qui ne sont que temporaires. Quelques années plus tard, on lui donnera les moyens de donner toute son ampleur au projet : ce sera Heat.
L.A. Takedown est donc à considérer comme une esquisse du grand film de Mann. L’histoire est rigoureusement identique, à quelques exceptions, notamment sur la fin. Tout est bien entendu plus modeste ici : la durée (1h30 contre les 2h50 de Heat), les comédiens quasiment tous inconnus, et l’esthétique elle-même, plus étriquée. Le montage est au hachoir pour pouvoir rentrer dans ce format trop étroit, et les années 80 passent à la moulinette tout ce qui pourrait contenir une once d’esthétisme, des costumes à la lumière, allant jusqu’à rediriger des titres phares (Sympathy for de the devil des Stones et L.A. Woman des Doors) à la sauce du moment : quelques moments douloureux sont donc à prévoir.
Mann prépare le futur, mais ne se gêne pas non plus pour recycler : le gimmick sur les deux mouchards trouvés par un gangster dans sa voiture, un trouvable pour détourner l’attention du second, était déjà mot pour mot dans Le Solitaire…
Pourtant, si l’on oublie un moment ce dont il est le brouillon, le téléfilm est tout à fait honorable. Ambitieux dans son scénario au long cours, toujours aussi séduisant dans sa représentation de la ville, il place des idées (comme les masques pour le braquage ou le fameux face à face courtois et respectueux des deux rivaux) sans mépris pour le format dans lequel il s’exprime, tout comme il l’avait fait dès son premier film avec le très beau Jericho Mile.
Œuvre pour cinéphile, L.A. Takedown est un document précieux : sur les contraintes d’un média, la gestation d’une œuvre… et sur les ravages d’une époque.
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