En 1960, Roger Corman le bisseux connaît un vif succès grâce à House of Usher, avec Vincent Price, adaptation d'une des nouvelles les plus célèbres de Poe. Corman et Price s'engagent alors dans le cycle Poe, constitué de huit épisodes tournés jusqu'en 1965. Les autres nouvelles les plus fameuses, c'est-à-dire Le chat noir et Le corbeau auront elles-mêmes leur traduction sur grand écran ; Corman fera quelques choix improbables comme celui de s'inspirer du Masque de la Mort Rouge et en tirera des résultats admirables.
Pit and the Pendulum est le deuxième opus de cette série de films. Assez proche dans le registre de Usher, il a surtout plus d'argent et de moyens. À la rigidité succède une plus grande flamboyance : Corman s'autorise des élans grandioses. Le spectacle est théâtral à l'extrême, ronflant et délicieux à la fois. Les décors sont somptueux, évoluant d'un certain classicisme vers l'enchantement funèbre. Corman adopte un langage expressionniste modernisé, extravagant et maîtrisé (avec des distorsions et des élans chromatiques à la limite du psychédélique avant l'heure), où une enquête sert de guide dans un sanctuaire pervers. Le basculement dans la zone indiquée par le titre français se produira dans la dernière partie, où exulte le meilleur du cinéma gothique.
Sommité dans son genre, phare injustement négligé de l'épouvante des années 50-60, La Chambre des Tortures s'approche du génie du Masque du Démon (1960), mais est encore trop timide pour égaler le stupéfiant chef-d'oeuvre de Mario Bava. C'est toutefois un splendide voir un sacré monstre, ne reculant pas devant les risques d'invraisemblances et s'en tirant toujours au passage en force, avec une grâce à la mesure de sa brutalité romantique. L'intérêt va croissant (l'arrivée de Barnard au début est prometteuse mais pas toujours géniale, contrairement à la dernière partie), le mystère s'épaissit autour de l'hypothèse d'une Barbara Steele enterrée vivante.
La narration est aventureuse et sans faute, tout est grandiloquent au dernier degré, c'est d'une tension et d'un exotisme imparables. La Chambre des Tortures n'a pas l'intelligence ni les thématiques ambitieuses du Masque de la Mort Rouge, mais elle a eu sûrement plus d'influence sur le cinéma gore des débuts et a des allures de giallo préhistorique. Elle se place donc aux côtés du Masque dans la hiérarchie du cycle Poe, surpassant par sa folie et sa fureur poseuse La Malédiction d'Arkham (très bel opus, plus inspiré de Lovecraft en vérité). C'est un film dont la place dans le temps est étrange, à la fois d'un charme désuet total et anormalement contemporain. Enfin la performance de Vincent Price n'est pas celle d'un homme mais d'un héros de tragédie, âme en peine harcelée par ses fantasmes et triomphant dans la démence.
Cycle Poe avec Corman/Price :
1960 Chute maison Husher
1961 Chambre des tortures
1962 L'enterré vivant
1962 L'empire de la terreur
1963 Le Corbeau
1963 La malédiction d'Arkham
1964 Le masque de la mort rouge
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