Pour les familiers de Tennessee Williams, à qui l’on doit notamment le chef d’œuvre Soudain l’été dernier, déjà avec Liz Taylor et qui sortira l’année suivante, La chatte sur un toit brûlant présente des thématiques bien connues : une famille étouffante, des traumas qu’on pense pouvoir enfouir et une série de règlements de compte verbaux aussi cathartiques que dévastateurs.
Au centre des débats, la vie et la mort : le couple Taylor/Newman est au point mort, miné par l’absence d’amour, d’enfant, et les ressentiments non formulés, tandis que la figure du riche patriarche sur le point de mourir prématurément d’un cancer agite diversement les convoitises des uns et des autres. La belle-sœur, insupportable, tente de faire valoir sa portée de marmots pour déshériter l’autre parti, tandis que le grand-père acariâtre ne jure que par le mauvais fils qui noie toute cette vaine agitation dans des litres de scotch.
L’unité de lieu, la grande demeure du sud au centre de ces plantations qui font la fortune du père, permet une certaine dynamique : les échanges, souvent longs et explicites, confrontent des protagonistes pour qui la vérité est laborieuse à faire émerger. Et, dans ce processus, l’interruption est quasiment permanente : par les enfants, par une nouvelle revendication ou le rappel d’un protocole (l’anniversaire ou le testament, selon qu’on se préoccupe de la vie ou de la mort) auquel personne ne croit vraiment. Cette hystérie pour combler les gouffres d’une famille pourrie jusqu’à la moelle fonctionne un temps ; elle ne concerne pas pour autant le couple central, qui reste assez figé, Newman dans sa boisson et son détachement avant quelques tardifs moments de vérités, et Taylor suppliante, (d’une tristesse à pourtant reconsidérer lorsqu’on sait qu’elle apprit durant le tournage la mort de son mari Mike Todd dans un crash d’avion).
Si le texte parvient à complexifier les personnages sans les opposer de manière trop binaire (notamment dans le rôle du frère qui dépasse la simple fonction du prédateur d’héritage et montre qu’il a toujours obéi au programme imposé par son père), le discours général sur l’impossibilité du matérialisme à combler les manques affectifs reste assez limité. De la même manière, toute cette pseudo enquête sur un passé traumatique par la mort du meilleur ami de Brick ne fonctionne pas très bien : le fait d’avoir voulu expurger toute la question de l’homosexualité en est très probablement la cause.
Il faut avoir la virtuosité de Mankiewicz pour savoir associer la densité verbale du théâtre à la fluidité du montage et des mouvements cinématographiques. Richard Brooks peine à trouver sa place, pris en tenaille entre la richesse du dramaturge et des comédiens d’exception.
(6.5/10)