Michael Crichton en tant que réalisateur s'est illustré par des techno-thrillers principalement, comme Mondwest qui est un des premiers à introduire des images synthèse, ou le complotiste Coma. Aussi La Grande Attaque du train d'or, film dans l'esprit Arsène Lupin, constitue pour Crichton une 'pause'. Mais la sieste est pourvue d'un gros casting, Sean Connery incarnant le personnage principal, Donald Sutherland son complice et Lesely Anne-Down son amante.


Le film est tiède voire frustrant sur presque tous les points, n'en marque de décisifs que sur trois terrains, principalement d'ordre esthétique. Il est sobre et tout-terrain, ne devrait choquer personne et s'apprécie sans que le spectateur ait à consentir d'efforts ni à se rabaisser. Les interprètes ont un certain éclat grâce à leurs costumes, leurs interventions lissées et leurs mines apprêtées. Enfin et c'est le plus important, la photographie rehausse le niveau du film, injectant une sensibilité impressionniste aux tableaux les plus mornes, valorisant les quelques décors exquis de la campagne anglaise. D'ailleurs Geoffroy Unsworth enchaînera avec Tess de Polanski, pendant le tournage duquel il mourra – le film est donc dédié à ce chef opérateur, qui avait participé au 2001 de Kubrick.


Mais avec cette Grande attaque les limites sont vite touchées, dans quelque sens que ce soit car l'excès de prudence a aussi ses vertus. Les escrocs distingués étaient censés monter un tour ambitieux, or la liaison entretenue à cette fin par Connery occupe la grande majorité du film. Des films ultérieurs dans le même registre (investigation/tromperie) et avec ce tandem sont bien plus convaincants. Les manquements sont aussi dans la forme, puisque le personnage de Connery, non seulement ne sera jamais développé, mais en plus exerce assez peu ses talents et même son caractère ; on le sait charmeur, manipulateur sophistiqué, adaptable, tout ce qui en est tiré à l'écran, c'est la souplesse. Au moins Haute voltige, au style vulgaire et aux ressorts fantaisistes, aura le mérite d'exploiter son archétype (en plus de savoir égayer le chaland).


La mise en scène sape l'ambiance induite par la texture de l'image et renforce le sentiment d'une sophistication 'gelée'. Elle est fade, présentant presque toujours plans moyens frontaux et aucune 'coloration', à quoi s'ajoute un déroulé sans remous ni coups d'accélérations. Le scénario, déjà converti en roman par Crichton (The Great Train Robberry – 1975) s'inspire pourtant d'un fait divers croustillant, le 'grand vol d'or de 1855' accompli dans un train. Mais Crichton se contente d'en faire le support de quelques bons mots, d'une once de malice ; ce sont des coups accumulés qui ne servent pas la vibration générale, d'un lénifiant terrible. Reste à apprécier la balade sous l'ère victorienne, mais pour repérer le mobilier plus que l'âme surtout que Crichton pousse à fond sa mauvaise manie de réalisateur : se dérober à toutes les confrontations. Ainsi le procès à la fin laisse entrevoir une issue à La Poison, mais n'ira là que dans les proportions les plus galantes et hypocrites. Ce film aura laissé couler en se faisant 'plus royaliste que le roi', car égal au personnage, indifférent et pas affecté par toutes ces considérations ; mais alors à quoi bon, pourquoi se doter de ressources solides pour suivre les traces amorphes d'un lucide n'ayant que des mensonges blancs à livrer ?


https://zogarok.wordpress.com/2016/10/07/la-grande-attaque-du-train-dor/

Zogarok

Écrit par

Critique lue 701 fois

2

D'autres avis sur La Grande Attaque du train d'or

La Grande Attaque du train d'or
Torpenn
6

Crimée châtiment

Sean Connery, gentleman cambrioleur qui exerce à Londres au milieu du 19ème siècle, profite des transports de fonds exigés par la guerre de Crimée pour organiser la première attaque jamais réalisée...

le 7 janv. 2012

17 j'aime

17

La Grande Attaque du train d'or
Gand-Alf
8

Dynamic Trio.

Récompensé par le Prix Edgar Allan Poe, The Great Train Robbery est l'adaptation du propre roman que Michael Crichton publia quelques temps plus tôt, s'inspirant de faits réels survenus en 1855...

le 5 janv. 2016

16 j'aime

La Grande Attaque du train d'or
archibal
8

Gentleman cambrioleur

Un film de casse vintage très ludique et didactique au charme British agréablement désuet. Ca ressemble un peu à une aventure d'Arsène Lupin avec des accents westerniens sur certains points. Le...

le 18 déc. 2018

12 j'aime

2

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

51 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2