Ah, c'est bien beau de nous vendre du rêve avec une affiche réunissant un duo d'acteurs ultra-bankables et l'un des réalisateurs les plus doués du moment... encore eut-il fallu que le film soit à la hauteur de ses promesses.
La La Land est un film qui passe plus de temps à se regarder qu'à se montrer généreux avec son spectateur. L'efficacité du plan-séquence n'étant plus un secret pour personne, Damien Chazelle en fout un peu partout, donnant l'impression de maîtriser son sujet mieux que quiconque - en même temps c'est certain que le bonhomme n'avait plus grand-chose à prouver, tant il nous a déjà montré de quoi il était capable avec sa caméra : qui ne se souvient pas de cette claque retentissante qu'était Whiplash ? - Manque de bol, en dehors des passages musicaux (bien plus rares et moins transcendants qu'il n'y parait), la scène la plus captivante se révèle être un simple champ-contrechamp entre les deux têtes d'affiche ; c'est en tout cas celle où ces derniers se montrent le plus convaincants, entre deux séquences de claquettes, de valse, de chansonnette timide et de jazz intensif.
Parce que oui, hormis ces fameuses scènes de chant/danse qu'on devine être des hommages à peine maquillés aux comédies musicales de l'âge d'or hollywoodien (super pratique au passage pour qui n'a pas vu la moitié de celles-ci), il ne se passe pas grand-chose dans ce film. Le rythme est assez lent, mal géré, le scénario inutilement étiré en longueur, certains passages ne servent à RIEN (la discussion entre Ryan et sa sœur, pitié...) et pour couronner le tout faut-il qu'on se farcisse une intrigue cousue de fil blanc qui clichetonne à tout va, en particulier dans ses dernières minutes.
Oh, Emma tient enfin l'opportunité de voir sa carrière décoller à un casting où elle se met à pousser la chansonnette ? Quelle surprise si elle obtenait le rôle !
Oh, Ryan est ému de revoir l'amour de sa vie après 5 ans sans nouvelles ? Que va-t-il bien pouvoir jouer au piano si ce n'est la mélodie de leur rencontre ?
Oh, Emma suggère à Ryan LE nom idéal pour son fameux futur club de jazz qui lui tient tant à cœur ? Comment va-t-il nommer celui-ci d'après vous ? Etc, etc.
Ce qui est embêtant, c'est que malgré tous ces défauts, on se surprend à éprouver de l'affection pour ce film. Ses personnages sont très identifiables, en particulier dans les épreuves qu'ils traversent, qui à coup sûr parleront à tous ceux qui ont un jour ne serait-ce que rêvé d'embrasser une carrière d'artiste. Il y a cette ambiance mélancolico-romantique que l'on ressent jusque dans les décors d'un Hollywood qui n'est plus que l'ombre de lui-même (symbolique qui rejoint la scène où Sebastian exprime à Mia sa passion pour le jazz, tout en déplorant que le genre "se meurt") ; et il y a cette fin qui laisse un arrière-goût plutôt amer, surtout quand on croyait naïvement qu'une histoire s'ouvrant sur une note aussi gaie et festive ne pouvait que bien se terminer... Hélas, tout ce joyeux tintamarre ne nous émeut que moyennement, surtout quand on a passé plus de temps à bailler et à regarder sa montre qu'à vivre cette idylle comme si l'on y était.
Côté acteurs, Emma Stone réussit l'exploit d'être plus charmante et touchante que d'ordinaire, moi qui ne l'aime pas beaucoup (il faut dire que les mignonnes petites robes colorées, ça aide un peu). Ryan pianote, pirouette, fredonne et séduit avec l'aisance et la classe qu'on lui connait, mais cela reste assez sage et sans surprises (du Ryan, quoi). John Legend se complaît dans un rôle qu'on présume être le sien, tandis que J.K. Simmons nous fait regretter l'époque où il enseignait la musique en insultant copieusement ses élèves et en leur balançant des chaises à la tronche quand ils ne suivaient pas son tempo (pas facile en même temps avec 20 secondes d'apparition à l'écran en tout et pour tout...).
En clair, La La Land prétend être le film de l'année mais il est loin de l'être, ce qui ne le rend pas si désagréable à regarder sans toutefois mériter la statuette.