En 2002, le public découvrait un nouveau héros dans la galaxie du cinéma d’espionnage : Jason Bourne. Une nouvelle manière d’aborder le genre, plus moderne et plus terre-à-terre, à une époque où celui-ci tournait à la démesure avec des films comme Meurs un autre jour et Mission Impossible 2.
Tout commence en pleine mer, au milieu de rien, aux portes de la mort, jusqu’à ce que le destin fasse son œuvre pour extirper cet homme de cette situation désespérée. Alors que l’on se pose des questions au sujet des circonstances qui ont mené à cela, il s’avère que notre protagoniste ne se retrouve pas plus avancé que nous, le traumatisme subi ayant engendré une amnésie qui a effacé sa mémoire. Tout l’enjeu de La Mémoire dans la peau, titre évocateur faisant référence à cette sorte de petite capsule implantée dans la hanche du héros et servant de point de départ à une vaste enquête, c’est donc de parvenir à raviver cette mémoire perdue, et, surtout, de reconstruire son identité.
Avec cette vision d’un homme flottant au milieu de l’océan et revenant par miracle à la vie, sans la moindre mémoire, devant écrire et réécrire son histoire, La Mémoire dans la peau met le principe de résurrection et de renaissance au cœur de l’intrigue. Généralement habitué à des héros maîtrisant tout et gérant les situations de mains de maître, le spectateur découvre un homme certes toujours doté d’aptitudes exceptionnelles en termes de combat et d’intelligence, mais exposé et vulnérable car incapable d’identifier correctement ses ennemis, qui le traquent sans qu’il sache encore pourquoi. C’est ce qui fait l’attrait de Jason Bourne, un personnage auquel le spectateur peut s’identifier plus facilement, plus proche de la réalité que d’autres de ses contemporains.
Pour reconstruire cette mémoire défaillante, Doug Liman construit son film sur la base des points de vue, notamment ceux de Conklin et Abbott du côté de la CIA, celui de Jason Bourne, et celui de Wombosi, moins développé mais central dans cette histoire. Chaque avancée dans chaque « camp » permet de progresser et d’assembler les morceaux petit à petit, partant d’une fragmentation volontaire, exposant divers éléments sans lien apparent, pour les relier progressivement, comme des souvenirs qu’on associe pour rebâtir la mémoire du héros. Tout cela baigne dans une atmosphère assez paranoïaque, qui tend à rappeler certains films des années 70 tels que Les Trois jours du Condor ou Marathon Man, exposant une quête de vérité qui dérange, où un système tente de réduire le héros au silence pour servir des intérêts personnels. Car Jason Bourne c’est l’individu seul face au pouvoir, un rapport à la défaveur du héros, l’exposant aux pires dangers tout en lui offrant l’opportunité de faire table rase de son passé de tueur.
Trouvant le bon équilibre entre action et espionnage, La Mémoire dans la peau renoue avec les indispensables du genre, entre le danger permanent qui rôde (on pense notamment au passage dans l’appartement parisien où la caméra se déplace et fixe le cadre de manière à cacher une menace prête à surgir à chaque instant), les voyages à travers plusieurs pays, les langues diverses et le mystère, tout en modernisant le genre. Bien qu’il ne cherche pas à être particulièrement spectaculaire, La Mémoire dans la peau a obtenu un succès retentissant, au point d’initier une nouvelle saga qui va offrir un rôle marquant à Matt Damon.
Critique écrite pour A la rencontre du septième art