Alors là, découvrir ce film a été une totale révélation, car il m'a permis de découvrir enfin Raymond Devos. Oui, je connaissais, mais c'est un comique qui a surtout officié quand je n'étais pas en âge de comprendre son humour absurde, et du non-sens. Au cinéma, il n'a pas marqué les esprits, à part une apparition dans Pierrot le fou, et ce film-ci, qu'il (co)écrit, en compagnie d'un réalisateur très intéressant, François Reichenbach.
Devos joue un surveillant d'une maison de repos, qui va partir en pleine nuit accompagné de deux jeunes pensionnaires à qui il veut leur faire découvrir la mer. Sauf qu'ils volent la voiture de la propriétaire des lieux, Alice Sapritch, et qu'elle va les poursuivre, avec son mari joué par Jean Carmet.
Nous sommes donc là dans un road movie, qui va aller de la région parisienne vers le sud, et il y a deux choses en particulier qui m'ont marqué dans ce film ô combien foutraque.
Tout d'abord, l'humour absurde de Raymond Devos où, pour vous donner une idée, quand il va être à la campagne, donc respirer de l'air pur, il va vouloir se mettre la tête devant un pot d'échappement, car la pollution parisienne lui manque ! Ou alors Pierre Tornade, qui joue un flic, va vouloir intentionnellement se jeter à l'eau car on lui a volé sa moto, et qu'il ne veut pas rédiger un constat au commissariat. Et encore un autre gag, Lino Ventura qui joue lui aussi un flic enseignant à son apprenti, Pierre Richard, comment demander des papiers à des automobilistes.
Ensuite, la réalisation de François Reichenbach, que je connaissais pas, et dont j'ai appris qu'il était documentariste. Ce qui se voit très rapidement, car on dirait qu'il filme souvent autre chose de manière plus chiadée que l'action qui nous concerne. Et c'est ce en quoi La raison du plus fou est un film précieux, car c'est un témoignage fascinant de la France rurale de 1972, avec une passion évidente à rencontrer les petites gens, dans des villages du sud, dont Goudargues, que je connais très bien.
C'est en cela que La raison... se confronte à la fois à un côté documentaire sans doute pas prévu et la comédie qui est un véhicule évident pour Raymond Devos, personnage assez particulier dont sa bonhommie ne l'empêchait pas de faire des choses très physiques, dont sauter à l'eau.
Outre les acteurs déjà cités, c'est un festival de seconds rôles, dont certains restent quelques minutes, avec Paul Préboist, Roger Hanin, Robert Dalban, Marthe Keller et encore d'autres...
Je n'en dirais pas autant des deux jeunes, Paula Moore et Patrick Penn, qui sont plutôt inconsistants, laissant le champ libre à Raymond Devos d'en faire à sa guise.
Au final, ce mélange d'absurde et de road movie, très rare alors dans le cinéma français, sera sanctionné d'un échec commercial qui stoppera toute suite à la carrière cinématographique de Raymond Devos, sans doute trop en avance sur son temps. Mais pour cet humour si particulier, et ce côté documentaire (surtout si vous aimez voir la France des années 1970), La raison du plus fou est à conseiller.