--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au premier épisode de la cinquième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Secret_of_the_Witch/2727219
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


Un an s’est écoulé depuis que j’ai posé ma plume pour la dernière fois. Après ce cycle grandiloquent à la Cinémathèque, et toutes les péripéties souterraines dont elle a été le théâtre, j’étais de nouveau seule, plus seule qu’au premier jour, comme si tous ces mois, toutes ces explorations du monde de la nuit n’avaient fait qu’une grande boucle pour me ramener à la case départ. A quoi bon continuer ? Si tout ce que j’apprends ne contribue qu’à me détruire plus encore, pourquoi chercher le savoir ? Et puisque ni la Cinémathèque, ni aucun cinéma parisien ne semble enclin à m’offrir un nouveau mois-monstre sur écran géant, y a-t-il un sens à retourner dans ma chambrée minable, seule et devant des copies de mauvaises qualité ? J’allais abandonner à nouveau, mais voila, on ne se débarrasse pas si facilement de ce qu’on pensait être un divertissement et qui se révèle être une véritable addiction. Et puis mon année n’a pas été si solitaire que ça. Je me suis fait des amies. Les plus obscures de toutes les créatures de l’obscurité. Les plus belles. Les plus glaciales. Et depuis que j’ai été acceptée dans cette secte select du satanisme féminin, ma curiosité pour elles ne connaît rien de plus grand que les mystères qu’elles me font. Leur groupe est aussi vieux que l’humanité, ce n’est certes pas en un jour, pas en un mois non plus, pas même en une vie, que je pourrais me faire la dépositaire discrète de l’entièreté de leurs secrets. Qu’est-ce que 30 films face à l’Histoire ? Qu’importe. J’apprendrai, si ce n’est tout, du moins quelques miettes, un fragment de leur douloureux passé, de leurs démoniaques machinations, de leurs mystérieux pouvoirs. Avec aucun autre argument que la noblesse de vouloir mieux connaître mes amies. Pas d’amant à retrouver cette fois, ni de guerre à mener. Juste une saine curiosité. Et qui sait où cela pourra me mener ? 
J’hésitai donc hier, et me voila lancée. Une décision d’un instant a scellé mon programme des 30 prochains jours. Comme ça, au beau milieu du mois d’Octobre, j’ai décidé de lancer *Haxan*, et *que sera sera*. Quel formidable film pour commencer un mois-monstre. Le plus parfait qu’on puisse imaginer. Si parfait qu’on en a même du mal à croire qu’il ai pu être créé dans un autre but. Tout, absolument tout ce que je cherche dans les mois-monstre est déjà là, à la perfection : le macabre, le dérangeant, l’originalité du traitement, la rigourosité des informations, la recherche cinématographique, la réflexion sur le monstre, sur sa place dans l’Histoire et dans l’actualité. Tout. J’en reste hagarde. Erratique. Quoi, il aura fallu attendre cinq ans pour être récompensée par un démarrage parfait en tout points ? Je ne peux m’empêcher de me remémorer les chauve-souris en plastiques, les transformations grotesques, les coups dans l’eau de scenario abscons. Et c’est l’année même où je pensais arrêter, celle où je n’avais plus rien à faire, plus rien à dire qu’à coucher sur le papier un ennui commun, une mélancolie routinière, que je suis récompensée par le plus parfait des premiers films. Le destin est tout de même parfois curieusement pertinent.
Il faut dire que c’est la première fois que je commence le mois par un documentaire. Il faut dire aussi qu’on est en 1922, et que le documentaire, au sens qu’il revêt aujourd’hui, n’en est qu’à ses balbutiements. *Nanouk* a vu le jour quelques mois plus tôt, et ce soir je me demande bien pourquoi l’histoire aura retenu cet esquimau, certes attachant dans ses paysages sidérants, mais filmé avec rien de plus qu’une platitude absolument régulière ; plutôt que ce *Haxan*, cet objet hybride étrange, faisant du gringe à George Méliès, tout en inventant le terme de docu-fiction, et en restant strictement droit et véridique dans son discours. C’est à la fois un voyage sensoriel absolument fascinant et une étude richement documentée. Les costumes, décors et effets cinématographiques, qui n’ont rien à envier à la notion de direction artistique moderne, à la fois parfaitement exécutés techniquement, et complètement hallucinants esthétiquement, sont néanmoins mis au service d’un propos parfaitement clair et factuel. On y apprend, par chapitre, les origines de la notion de sorcellerie, ce qu’est une sorcière, ce qu’on leur reproche, comment on le leur reproche et comment elles auront été punies. Toutes les originalités sont bonnes pour rendre le propos plus limpide : maquettes, illustrations, surimpressions, pour carrément finir par une mise en scène scénarisée. C’est un documentaire, certes, mais qui n’utilise rien de moins qu’un raffiné mélange entre l’expressionnisme allemand et l’impressionnisme français pour mettre en image son discours.
Bien sur, il est un peu compliqué de cautionner aujourd’hui le parallèle fait avec « l’hystérie ». Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’en 1922, il n’est rien de plus que pertinent et intelligent. Je ne peux que grincer des dents, tout en soulevant mon chapeau à un argumentaire qui se tient de bout en bout, et qui ne se révèle que plus douloureux avec une lecture féministe moderne : quel gâchis qu’un si beau film, si efficace et si transcendant, ne parvienne finalement qu’à une conclusion hautement misogyne, en ayant défendu corps et âme sur toute sa durée les femens de la nécromancie…

Créée

le 21 oct. 2020

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Zalya

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