Le film est étrangement, malgré la lourdeur du sujet, malgré la réalité glauque qui l'entoure, proche de la comédie mais une comédie grinçante, sinistre, teintée d'humour noir. Il n'y a guère que Polanski pour développer des atmosphères sembables dans une sorte d'humour macabre et de folie contenue, comme dans Le Locataire.


Le personnage de Landru est théâtral, romanesque. Dans les multiples identités qu'il prend pour séduire des veuves fortunées afin de les déposséder de leurs biens et de les faire disparaitre, il est tantôt un bouffon grotesque, tantôt un dandy sirupeux, glaçant, froid ou encore un romantique éploré à l'extrême. La preuve qu'avec Chabrol nous sommes entre le sordide et le vaudeville ce sont les décors théâtraux, qui, restituant parfaitement l'époque d'ailleurs, servent de prison pour ces femmes à la merci de leur tueur. A la fin c'est à Landru d'être enfermé, juste retour des choses.


Claude Chabrol joue sur les multiples variations des crimes de Landru, qui sont autant de variations sur la motif qu'il a développé pour refermer son piège et le perfectionner. Le motif du crime est dérisoire, grotesque, un peu d'argent. Landru passe de la crapule à l'assassin, combinard, magouilleur et calculateur, en est la preuve son petit carnet, où il note tout et qui le confondra, dans ses calculs d'épicier. L'histoire est d'autant plus forte qu'elle est vraie. On revoit ainsi une succession de crimes qu'il commet, dans une sorte de quasi farce burlesque qui varie à chaque fois dans ses motifs. Et on sourit aux bons mots de Landru, avant de voir son crime, caractérisé par cette simple cuisinière qui dégage une odeur épouvantable.


La seconde partie du crime voit la médiatisation de l'affaire et Landru arrêté, qui continue de jouer aux fabulistes et aux jongleurs d'autrefois. Le verbe haut, la prestance impeccable, répondant au juge, dans une reconstitution parfaite de ce qu'était le procès. Le monstre est là, à la fois père de famille prévenant et mari volage, à la fois pudique et cynique. Le film oscille entre les deux états, ne montrant jamais la mort ou l'horreur, la suggérant par des dialogues ciselées et une mise en scène subtile. Il joue, implacablement, sur le motif du crime qu'il développe en d'infinies variations. Le fait divers ici prend le sens du tragi-comique dans un exercice d'équilibriste qui illustre ce qu'était Landru, mitomane, manipulateur et bien triste clown. Le rideau se ferme sous la guillotine qui le décapite, froidement. Retour à la réalité.

Tom_Ab
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2016 : une année cinématographique de plus ! et Les affaires criminelles françaises au cinéma

Créée

le 17 sept. 2016

Critique lue 822 fois

7 j'aime

Tom_Ab

Écrit par

Critique lue 822 fois

7

D'autres avis sur Landru

Landru
Val_Cancun
5

Le bourreau des cœurs

Je reste sur une bonne impression finale, car le dernier quart du film consacré au procès de Landru est de loin le plus intéressant. Mais je n'oublie pas l'ennui qu'il aura fallu combattre au cours...

le 13 avr. 2019

6 j'aime

Landru
DragonDormeur
5

Une Histoire Incomplète.

Le film reprend l'histoire du tueur Henri Désiré Landru en oubliant tout son passé, en ne s'attardant que sur la période des assassinats et du procès. Le passé a une importance sur le comportement du...

le 23 nov. 2013

5 j'aime

Landru
zardoz6704
8

Reconstitution grinçante.

Charles Denner était une très bonne idée pour incarner Landru. Il prend ici une voix grave, parfois rocailleuse, souvent suave ou insinuante. Sa manière de trifouiller dans son poêle ou de conter...

le 11 févr. 2012

5 j'aime

Du même critique

La Passion du Christ
Tom_Ab
8

Le temporel et le spirituel

Le film se veut réaliste. Mais pour un film sur le mysticisme, sur un personnage aussi mythique, mystérieux et divin que Jésus, il y a rapidement un problème. Le réel se heurte à l'indicible. Pour...

le 26 déc. 2013

62 j'aime

4

The Woman King
Tom_Ab
5

Les amazones priment

Le film augurait une promesse, celle de parler enfin de l’histoire africaine, pas celle rêvée du Wakanda, pas celle difficile de sa diaspora, l’histoire avec un grand H où des stars afro-américaines...

le 7 juil. 2023

52 j'aime

5

Silvio et les autres
Tom_Ab
7

Vanité des vanités

Paolo Sorrentino est influencé par deux philosophies artistiques en apparence contradictoires : la comedia dell'arte d'une part, avec des personnages clownesques, bouffons, des situations loufoques,...

le 31 oct. 2018

30 j'aime

4