Ancien militaire devenu chauffeur de taxi, Korben Dallas (Bruce Willis, mais que diable allait-il faire dans cette galère ?) est contraint d’héberger une mystérieuse femme (Milla Jovovich, aussi laide et effrayante que le reste du film), dont il ignore qu’elle est la clé pour sauver le monde, menacé. Il va tenter de combattre le Mal et son représentant Jean-Baptiste Emmanuel Zorg (Gary Oldman, mais que diable allait-il faire dans cette galère ?), avec l'aide d'un prêtre scientifique (Ian Holm, mais que diable allait-il faire en cette galère ?) et d'un animateur de radio aussi insupportable qu'envahissant (Chris Tucker, mais que diable... ah non, lui, c'est normal).
Je ne doute pas que Luc Besson soit un type plein de bonne volonté. Il aimerait faire sortir le cinéma français du marasme dans lequel ce dernier s’est plongé de lui-même, ce que je ne peux qu’approuver. Mais ce n’est pas avec Le Cinquième élément qu’il va y parvenir, tant celui-ci semble chercher comment rafler le plus de Razzie Awards possibles.
On ne peut pas en vouloir à Besson d’écrire un scénario aussi débile, ce n’est pas là qu’on l’attend au tournant. En revanche, là où il est permis de lui en vouloir, c’est sur le plan visuel. Il faut dire que son décorateur Dan Weil et son costumier Jean-Paul Gaultier tentent de s’arracher la récompense du plus pur mauvais goût. Que l’un et l’autre soient absolument dépourvus de tout sens esthétique, c’est une chose, mais qu’ils cherchent à repousser toujours plus loin les limites de leur néant artistique en croyant faire du cinéma, c’en est une autre. Dès lors, on se demande ce qui a pu pousser Luc Besson à sortir sur les écrans ce délire visuel du ridicule le plus achevé, dont on se demande comment il est possible qu’il soit sorti d’un cerveau humain doté d’un atome de bon sens.
Fort heureusement pour lui, Besson a à son service Thierry Arbogast et Sylvie Landra, respectivement directeur de la photographie et monteuse du film, qui tentent d’allier leur talent pour pallier au déficit artistique des deux meurtriers de rétine susmentionnés, mais si leur photographie et leur montage dynamiques bannissent tous temps morts du film, ils ne suffisent pas à ôter au film son esthétique ultra-kitsch atroce et jamais crédible, plombée par des effets spéciaux qui ont tristement vieillis.
Outre un travail de mise en scène honnête, donc, le ton constant d’autodérision adopté par le film permet de rassurer un tant soit peu le spectateur inquiet sur la santé mentale de ses créateurs. De fait, cette autodérision introduit un quota de sourires suffisants pour convaincre que Le Cinquième élément n’est pas un film destiné à être vu au premier degré (ce qui n'exclut pas que la majorité des éclats de rires soient involontaires), malgré la présence d’une ou deux scènes pseudo-émouvantes qui n’arrivent qu’à faire naître l’hilarité chez un spectateur fatigué d’être pris pour un idiot.
Mais comme tout nanar qui se respecte, Le Cinquième élément prend un malin plaisir à s’autodétruire, éradiquant chacune de ses bonnes idées avant même de les concrétiser. Ainsi, même son humour finit par être flingué en bonne et due forme par un Chris Tucker qui gagne la palme du personnage le plus insupportable de tous les temps vu dans une œuvre visuelle. Jamais drôle et constamment lourdingue, il s’incruste, par la faute de scénaristes qui n’ont définitivement rien compris à leur propre œuvre, dans bon nombre de scènes d’action prometteuses, tirant ces dernières vers le bas avec une constance qu’on ne peut qu’admirer.
Et finalement, qu’on soit censé prendre Le Cinquième élément au premier, deuxième, quinzième ou cinquante-troisième degré, un constat s’impose : c’est toujours aussi nul.