A mesure que l'on (re)découvre le cinéma de Pietrangeli, nous nous rendons compte de la dimension considérable de ce cinéaste hélas trop ignoré, délaissé au profit d'autres grands noms, mais que l'institut Lumière ou la Cinémathèque de Paris remettent pertinemment à la mode. Scénariste pour Roberto Rossellini ou Luchino Visconti, collaborant ensuite assez souvent avec E. Scola pour ses propres films, grand ami de Fellini, il n'a rien à prouver auprès de ses pairs. En effet, son talent d'écriture, la subtilité et l'acuité de son regard social, la profondeur de sa réflexion dissimulée sous le masque de la comédie mais aussi le soin apporté à sa mise en scène en font une figure majeure de l'âge d'or du cinéma italien.


Si le cocu magnifique est à classer parmi le genre comédie italienne, il est, comme souvent chez Pietrangeli, teinté d'une certaine nuance de douleur voire de souffrance propre au drame – sans pour autant mélanger les genres. De la même manière, s'il essaie de refléter un monde encore largement machiste, la femme n'en représente pas moins un personnage important, voire principal, qui cherche à s'extraire de sa condition de rôle secondaire soumis silencieusement à l'autorité de l'époux: au contraire, comme ici, elle ose dire non, s'affirmer en tant qu'individu libre après avoir enduré le rôle de simple femme de. Et, à l'inverse, c'est l'homme qui pâtit du regard acerbe de Pietrangeli montrant celui-ci comme un être autoritaire, vil, faussement dominateur, se faisant finalement avoir à son propre jeu puisque par un retournement de situation proprement farcesque il se retrouve pris de la jalousie maladive dont devrait faire preuve son épouse.


Dans le cocu magnifique, en plus des excellents dialogues aux répliques souvent désopilantes, de la prestation bluffante d'Ugo Tognazzi (Andrea Artusi dans le film), des élégants costumes signés Nina Ricci, de l'éclairage très maîtrisé et de la musique d'Armando Trovajoli collant à merveille aux variations émotionnelles du film, la palme revient à ces micro-récits insérés dans la narration dans lesquels l'imagination débordante d'Andrea s'invente des situations toutes aussi dérangées les unes que les autres où sa femme se livre au péché de l'adultère.


Un grand moment de comédie intelligente redonnant à ce genre injustement méprisé ses lettres de noblesse.

Marlon_B
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le 2 mars 2018

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