Akira Kurosawa, troisième acte. Le réalisateur japonais étant considéré comme une valeur sûre du cinéma, il est quasiment certain d’être en face d’un classique lorsque l’on visionne l’un de ses films. Après le très onirique Rashomon et l’inimitable (ou presque) Les Sept Samouraïs, j’ai choisi un autre film souvent salué par la critique : Yojimbo (ou Le garde du corps en version française, mais j’aime mieux le titre original).


Dans le Japon du XIXe siècle, un samouraï solitaire erre sans but réel, à la recherche de missions à effectuer afin de gagner un peu d’argent. Sur sa route, il fait escale dans un village désert. Il y est abordé par une bande de loubards qui le provoquent. Il rencontre ensuite un vieil homme qui lui décrit la situation : le village est en proie à la rivalité permanente entre deux clans, incapables de résoudre la situation, et qui oppriment tous les villageois. Déterminé, le samouraï solitaire décide de mettre un terme au conflit lui-même. En manipulant les deux clans à la fois, il va tenter de les faire se soulever les uns contre les autres et de libérer les villageois de ce conflit.


Akira Kurosawa nous offre ici une œuvre plus « grand public », bien loin d’être anodine, mais moins pourvue de sous-textes, à l’instar des deux films que j’ai nommés précédemment. Plus rythmé, Yojimbo reprend cependant des composantes habituelles des films de Kurosawa. La notion d’honneur est mise au premier plan, à travers le contraste opposant le flegme impassible de Sanjuro (le pseudonyme qu’il se donne lui-même en faisant allusion aux plantations qu’il fixe lorsqu’il est interrogé sur son identité) et la fougue et la lâcheté des gamblers, ces mercenaires à la solde des deux chefs de clan, Seibei et Ushitora. Dans un ton très « western » (une comparaison très loin d’être anecdotique), le film propose différents duels de regards, où les adversaires se toisent sans dire mot, avec en fond une musique rythmée avec des percussions et des cuivres forts, qui rappellent beaucoup le style des westerns spaghetti des années 1960.


Le film permet également une immersion dans l’histoire du Japon, dans des zones rurales, mettant en avant la précarité et les conditions de vie difficiles des villageois. Une nouvelle fois, Akira Kurosawa fait appel à un de ses acteurs fétiches : Toshirô Mifune, qui, incarnant des personnages relativement fantasques et exubérants dans Rashomon et Les Sept Samouraïs, fait ici preuve de plus de sagesse dans un rôle qui convient parfaitement à son allure et à sa prestance naturelles. Ce charisme qui dégage de lui est un des éléments-clé de la réussite de ce film, car cela le met en position de supériorité face à tous les autres personnages du film. L’apparition de son antagoniste principal, Unosuke (interprété par Tatsuya Nakadai), lui offre un réel adversaire, incarnation du jeune guerrier charismatique, intelligent, et fourbe.


Sanjuro est l’archétype-même du héros badass, celui qui agit seul, envers et contre tous, et dont on sait que, peu importe le nombre d’adversaires qu’il aura à affronter, il n’a rien à craindre. Défenseur de la veuve et de l’orphelin, c’est un homme noble et respectable, qui fait agir la loi à sa manière. Beaucoup de héros du cinéma lui ressemblent, comme Snake Plissken dans New York 1997, John McClane dans la saga Die Hard, ou encore Rambo dans la saga éponyme. Le film est une vraie source d’inspiration, à tel point qu’un certain Sergio Leone a choisi d’en faire un remake, ce qui donnera, trois ans plus tard, un autre classique : Pour une poignée de dollars, avec Clint Eastwood en vedette. Le hasard a d’ailleurs voulu que je visionne les deux films d’affilée lors d’un trajet en train, sans même que je sache que les deux racontaient la même histoire. A croire qu’après le remake des Sept Samouraïs en Les Sept Mercenaires (1960), Akira Kurosawa a créé de nombreuses vocations. Dans tous les cas, le maître du cinéma japonais ne s’est pas trompé, et offre au septième art un héros marquant, premier d’une longue lignée.


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le 26 août 2016

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