En 1961 Kurosawa décide de réaliser un Western à sa façon, et donne naissance à Yojimbo. L'histoire d'un étrange samouraï qui arrive dans une ville déchirée par les conflits entre deux clans qui se livrent une guerre sans merci où tous les coups sont permis. Notre mystérieux héros y voit là un scénario palpitant qu'il compte bien transformer en échiquier géant, dans lequel il avancera ses pions en travaillant pour les deux clans et contempler le résultat...
Ce qui est intéressant, c'est à quel point Kurosawa alors fan de John Ford et adeptes de Western s'inspire de la culture occidentale pour Yojimbo qui lui même influencera énormément les Cowboy de Sergio Leone qui 3 ans plus tard livrera une copie quasiment identique.
Mais ce qu'il est encore plus et c'est sur lui que je vais appuyer ma critique, c'est l'arrivée d'un tel personnage dans l'univers du maître qui nous offre avant l'heure un anti héros fascinant, loin des vertus habituelles perceptibles chez les samouraïs et bourré de contradictions.
Sanjuro est un homme qui peut tuer sans sourciller qui ne jure que par ses idéaux et ne répond qu'à sa propre loi, s'amusant de la situation qui empoisonne les deux clans aussi fourbes et stupides l'un que l'autre.
Ce film a été réalisé un an après Les salauds dorment en paix et en visionnant Yojimbo, je me suis demandé si sous prétexte d'un film d'aventure un peu plus léger, ce n'était pas une réponse de Kuro à sa vision ultra pessimiste dans lequel notre Ange vengeur préférait utiliser la loi pour mettre à mal cette gangrène. Et si au bout d'un moment combattre à coup de preuves et de comptes frauduleux ne suffisait plus ? Et s'il fallait combattre la violence par la violence, se montrer plus perfide encore que l'ennemi et se salir les mains pour y arriver ?
Du coup j'ai vu dans Yojimbo une oeuvre bien plus personnelle et profonde qu'il n'y parait, plus qu'un Samourai qui arrive par hasard dans une ville pour s'amuser et au passage sauver la veuve et l'orphelin s'il en a l'occasion.
J'ai beau connaitre l'histoire par coeur à la travers la version de Leone, j'ai pris un immense plaisir en suivant Mifune qui transpire la classe à la place de Clint Eastwood. Plus qu'un simple hommage, Kurosawa s'approprie totalement le genre du Western et nous régale de plans absolument faramineux dans un final de toute beauté bien moins explosif que la version de Leone mais bien plus symbolique, qui rend le modèle original plus mémorable encore que son remake, une belle œuvre d'art signée par le Maître.